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Quelques éléments d’analyse du système politique moldave en janvier 2015

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Article de Florent Parmentier

L’illustre juriste et politologue Maurice Duverger, qui nous a quitté à 97 ans le 17 décembre dernier, a laissé à la postérité une « loi » suggérant l’existence d’un lien étroit entre un système politique et un système électoral. A grands traits, celle-ci considère que les élections proportionnelles favorisent l’émergence d’un système à partis multiples, rigides et stables, au contraire du scrutin uninominal à un tour qui favorise le bipartisme. En réalité, cette loi a été contestée, qui tend à minorer l’influence des réalités sociales propres à chaque société. Qu’en est-il de la Moldavie, qui vient de vivre des élections législatives selon un mode électoral proportionnel à un tour le 30 novembre 2014 ?

Quatre remarques s’imposent à titre préliminaire

Florent Parmentier

Le système politique moldave est composé de partis nombreux et faiblement enracinés. Ceux sont pas moins de 25 participants qui ont pris part au vote (20 partis politiques, un bloc électoral et 4 candidats indépendants). La multiplicité tend à confirmer l’observation de Maurice Duverger.

Dans le même temps, il faut observer que les clivages politiques sont relativement jeunes, remontant à 1991 ; la culture politique de l’entre-deux-guerres, lorsque la Moldavie appartenait à la Roumanie, n’est plus vivace. Il y a des électorats qui se retrouvent dans des idées structurantes, au-delà de la fidélité à un parti : la nation roumaine, la nostalgie communiste, l’idée européenne, etc.

Les partis politiques moldaves sont également souvent des « partis géopolitiques », dont le positionnement sur l’échiquier politique dépend des relations avec l’extérieur ; schématiquement, est à gauche celui qui souhaite développer des affinités avec le monde russe, est à droite celui qui souhaite un rapprochement plus étroit avec la Roumanie.

Le multipartisme peut également s’expliquer par l’absence de lois de financement sur les partis politiques ; le succès de chaque « écurie » dépend de la mobilisation de ressources financières, plus encore que des ressources militantes. Or, il peut y avoir autant de partis que d’intérêts économiques ; cette dimension économique est particulièrement importante dans l’espace post-soviétique.

Quelles sont les principaux résultats de cette élection ?

Les résultats des élections de novembre 2014 font ressortir trois points essentiels, importants à retenir en vue de la formation de la coalition. Le premier est la victoire étriquée de la coalition pro-européenne, qui a obtenu 55 députés sur les 101 du Parlement. Elle est aujourd’hui composée de trois partis (Parti Libéral-Démocrate de Moldavie – 20,16%, Parti Libéral – 9,67% et Parti Démocrate – 15,80%), et sa confirmation par les urnes consolide les choix politiques effectués par la coalition pro-européenne. Reste à trouver un terrain d’entente…

Le second enseignement est que le scrutin est marqué par la chute sévère du Parti des Communistes, qui passe de la première place à la troisième, glissant de 42 à 21 sièges au Parlement (17,48%) ; il continue de représenter une force politique réelle, mais son positionnement est aujourd’hui plus difficile. La création artificielle du « Parti des Communistes réformateurs » (4,92% des voix) n’explique pas tout ; le Parti des Communistes ne parvient plus à fédérer comme par le passé les trois gauches moldaves, composées des néo-communistes, des orientalistes et des sociaux-démocrates (voir la note Euro-Cité sur la gauche moldave).

Enfin, il faut considérer avec attention l’essor du Parti des Socialistes, devenu le premier parti de Moldavie (20,51%), devant le Parti Libéral-Démocrate du Premier ministre Iurie Leanca. Il peut être encore plus ambitieux pour la suite s’il parvient à se structurer.

Quelle coalition ?

La discussion organisée par Josette Durrieu et le Cercle Moldavie (compte-rendu de Gilles Ribardière ici) sur les résultats des élections du 30 novembre 2014 au Sénat, qui s’est tenue le 13 janvier 2015, a fait apparaître la surprise suivante, sortie quelques heures plus tôt : la coalition pro-européenne, composée de trois partis, le Parti Libéral-Démocrate de Moldavie, le Parti Démocrate et le Parti Libéral, est mise entre parenthèse, après avoir gagné d’une courte tête dans les urnes. Des négociations en cours évoquent que la remise sur le devant de la scène du Parti des Communistes (au pouvoir seul entre 2001 et 2009) ferait une alliance sans participation avec le Parti Libéral-Démocrate et le Parti Démocrate.

Une telle alliance a au moins trois significations :

La mise sur la touche du Parti Libéral vient de la volonté de ce parti d’obtenir le maximum de la coalition en place : le poste de Président de la République pour Mihai Ghimpu, ainsi qu’un changement de la Constitution permettant à la Moldavie de se porter candidate à l’adhésion à l’OTAN. Cette dernière revendication, irréaliste, s’explique bien sûr par le contexte ukrainien qui inquiète de nombreux moldaves, tout en en convainquant d’autres de se rapprocher de la Russie pour ne pas connaître le même sort.

Le soutien sans participation des communistes permettrait à la coalition d’avoir 69 députés : une majorité confortable pour élire un Président en 2016 (il faut 62 députés sur 101), ou même envisager un changement constitutionnel (il faut 68 députés). Il ne s’agit pas de trouver une ligne commune, mais plutôt de s’entendre sur l’essentiel.

Enfin, la nature de l’opposition va changer. De « bloc à bloc » (partisans d’un rapprochement avec l’UE contre partisans de l’Union eurasiatique), elle déborderait à présent la nouvelle coalition sur sa droite (le Parti Libéral étant le plus favorable à la Roumanie) et sur la gauche (le Parti des Socialistes étant le plus favorable à la Russie).

En d’autres termes, les prochains jours permettront de fixer un cap pour la coalition en place, dont les objectifs principaux sont connus : lutte contre la pauvreté, l’Etat de droit, la réforme du financement des partis, etc.

Indépendamment des modes de scrutin, le multipartisme semble donc bien enraciné en Moldavie, plus que les partis eux-mêmes…

Source : https://eurasiaprospective.wordpress.com/2015/01/14/quelques-elements-danalyse-du-systeme-politique-moldave-en-janvier-2015/

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