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Défi à la Moldavie

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En 1989, lors des travaux du Congrès des députés du peuple de l’URSS qui se tenait à Moscou, fonctionnait une commission ad-hoc autorisée à donner une appréciation au traité signé en 1939 par l’Union Soviétique et l’Allemagne. Dans la composition de la commission, il y avait quelques représentants de la République Soviétique Socialiste de Moldavie. Ceux-là soutenaient, évidemment, la position des députés baltes qui condamnaient les ententes secrètes entre les deux états, mais leurs tentatives timides d’inclure la Bessarabie ou la Moldavie dans le texte de la résolution, aux côtés des Pays Baltes, n’ont pas eu du succès. Tant dans la période à laquelle je fais référence que plus tard, les Moldaves ont subi des préjudices à cause du manque de cohésion interne car ils oscillaient entre l’option de reconnaître l’enlèvement de la Bessarabie du corps de la Roumanie et les aspirations à une éventuelle réunion, d’un côté, et le désir d’édifier en Moldavie un état indépendant, d’autre côté.

Bien que des divergences similaires existent toujours, à présent, après une longue période de domination du Parti des Communistes, les dernières législatives ont offert aux forces de centre et droite la chance d’accéder au pouvoir : une coalition de quatre partis ont formé une majorité précaire, forçant les communistes à se retirer dans l’opposition.

Morcelée et la plus pauvre en Europe, la Moldavie d’aujourd’hui s’est, d’une certaine façon, refaite, rendant publiques ses vraies aspirations. La nouvelle coalition gouvernementale a un nom très suggestif – Alliance pour l’Intégration Européenne. Malgré le boycottage des communistes qui, depuis 17 semaines, ne prennent pas partie aux réunions parlementaires, l’Alliance a réussi à désigner le président du législatif, à former le gouvernement et à entamer une série de réformes. Mais à cause de ce même boycottage, le Parlement, ne disposant pas de majorité de voix, n’a pas pu élire le chef de l’état, raison pour laquelle il doit être dissous.

Mais le Président du Parlement, Mihai Ghimpu, qui, conformément à la Constitution, exerce aussi la fonction de chef de l’état, a fait preuve d’audace et a lancé l’idée d’un référendum sur la modification de la loi fondamentale (initiative qui fut soutenue et approuvée par le Législatif) et a déclaré qu’il dissoudrait le Parlement après le référendum et que les législatives auraient lieu le même jour que les présidentielles.

Autrement dit, la Moldavie se trouve à un carrefour, car elle doit choisir entre la voie de développement européen et l’état de satellite de la Russie avec une Transnistrie occupée et parsemée de pacificateurs.

Si l’on passe en revue l’histoire de la Lituanie de ces derniers ans, on constate plusieurs affinités avec la Moldavie. Avec un retard de 20 ans, la Moldavie a entamé un processus de renouvellement et souhaite disposer de sa propre destinée. Mais une discordance interne (par exemple, la scission de l’Alliance pour l’Intégration Européenne), un éventuel retour des communistes au pouvoir ou une intervention exceptionnelle de la Russie, soit une guerre, pourraient l’abattre de cette voie. Tout en souhaitant du succès à ce peuple ami, avec une destinée similaire à la nôtre, je voudrais qu’on évoque ici une suite d’événements qui ont eu lieu il y a 20 ans et … il y a quelques jours.

Le 31 mai 1990, le Parlement de la République Soviétique Socialiste Moldave a adopté une décision pour reconnaître l’indépendance nouvellement acquise par la Lituanie, ainsi que le Parlement et le Gouvernement de ce pays et pour condamner le blocage imposé à la Lituanie par le Kremlin. Le 10 juin 1990, à Chişinău a été rendue publique la réaction de la Lituanie – la lettre de V. Landsbergis adressée au président du Conseil Suprême de la Moldavie, Mircea Snegur :

« C’est avec de la joie et de la gratitude que j’ai pris connaissance de la décision du Conseil Suprême de la Moldavie de reconnaître le Parlement et le Gouvernement de la Lituanie indépendance et de condamner le blocage imposé à la Lituanie. Les événements de Moldavie et de Lituanie ont un caractère irréversible et constituent une partie composante du processus de démocratisation de l’Europe de l’Est.

Nous espérons que dans un avenir proche nos pays collaboreront en tant que partenaires et membres indépendants et égaux de la Communauté Européenne. »

Vytautas Landsbergis

Deux jours après, à Moscou, dans le cadre de la réunion du Conseil de la fédération convoquée par Mikhail Gorbaciov, Mircea Snegur a eu le courage de soutenir l’attitude de Vytautas Landsbergis à l’égard du blocage imposé par les autorités soviétiques. Ce geste constitue, aujourd’hui encore, une preuve éloquente pour ceux qui préfèrent rester à l’abri et ne pas « taquiner l’ours » en colère.

Toutefois, en Moldavie ont intervenu une série de circonstances défavorables qui ont causé un retard de 20 ans dans la réalisation des désidératas exprimés par la Lituanie. Mais voilà que ces désidératas deviennent actuels. Lors de la seconde moitié du mois de juin dernier, le Président du Parlement moldave qui avait pris part aux manifestations organisées le 11 mars à Vilnius, a émis, dans sa qualité de Président par intérim, un décret d’importance politique exceptionnelle par lequel il revendique le retrait « non-conditionné, urgent et transparent » de l’armée russe du territoire de la Moldavie. (Souvenons-nous de l’importance du document final adopté lors de la conférence des chefs d’état tenue en 1992 à Helsinki qui imposait le retrait „immédiat, réglementé et définitif” des troupes militaires étrangères des Pays Baltes.) Par ce même décret, le Président Mihai Ghimpu a déclaré la date de 28 juin journée de commémoration des victimes de l’occupation soviétique. Chaque an, le 28 juin, des actions de commémoration seront organisées aux tombes des victimes des répressions soviétiques et des « leçons de commémoration des victimes » auront lieu dans les écoles. Dans le centre de la capitale moldave, sur la Place de la Grande Assemblé Nationale, sera érigé un monument aux victimes du régime communiste.

Le 28 juin, lors d’une séance du Législatif, devait être présenté le rapport officiel de la Commission pour l’étude et l’appréciation du régime communiste totalitaire de Moldavie (des dissensions à l’intérieur de la coalition ont imposé le report au 2 juillet de la présentation de ce rapport).

Des bruits, intimidants pour certains, courent que les symboles communistes et même le parti des communistes seraient interdits. Les autorités russes et les mass-média publics y ont réagi par des explosions de colère et des injures, des menaces et des revendications d’abroger le décret « profanateur » (Mihai Ghimpu a refusé de le faire). Ses adversaires évitent le sujet de l’occupation, préférant de parler d’une « destinée historique commune » et d’aborder une réflexion pragmatique afin de ne pas « porter préjudice aux intérêts d’état ». Les communistes blâment l’« extrémisme » et se disent prêts à défendre la démocratie. Une histoire vieille et très-très bien connue !

(Cet article de l’ex-président de la Lituanie, l’actuel euro-parlementaire, Vytautas Landsbergis, a été récemment publié dans la presse lituanienne.)

Article repris sur http://www.timpul.md. Traduit pour www.moldavie.fr

Le 3 août 2010

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