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Rapsodie, folklore et passion chez VW

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Après l’entretien avec la jeune cantatrice Diana Axentii, moldavie.fr est heureux de présenter une autre artiste dont la Moldavie peut être fière : Patricia Kopatchinskaja. C’est une violoniste au talent exceptionnel qui se produit sur les scènes les plus prestigieuses en remportant un succès extraordinaire du fait de sa virtuosité confondante mais qui n’oublie pas la profondeur et cela au service de programmes très originaux. L’article ci-dessous que nous avons été autorisés à publier est signé par un critique musical averti qui sillonne tous les grands festivals d’Europe et fréquente toute l’année les grandes scènes musicales du continent : ses articles constituent donc une référence. Ce qu’il dit de Patricia Kopatchinskaja à propos d’un concert auquel il a assisté récemment permet de confirmer que la Moldavie possède de multiples talents qui ne demandent qu’à être connus hors de leur frontière.

Gilles Ribardière

Article de Jean-Pierre Robert

Assister à un concert dans le cadre de l’atelier d’une chaîne de montage automobile, voilà qui n’est pas commun ! Mais VW est le partenaire n° 1 du festival. Le lieu est nickel, un bijou de technologie : vous êtes au milieu d’une théorie de carcasses de « Phaéton », suspendues sur un rail, attendant de prendre leur aspect définitif, et d’appareils étranges, semble-t-il dernier cri, dont on vous explique, vidéo à l’appui, comment ils vont conduire chaque pièce détachée naturellement à sa place sur le futur bolide.

Dans un environnement de lumière tamisée, aux couleurs bleu de nuit, la mise en place du concert prend une allure surréaliste lorsque débarquent, par petits groupes, les spectateurs endimanchés, menés par des hôtesses à la manière chic. Mais ce lieu improbable, offert pour écrin à un concert, cadre finalement avec la personnalité de la violoniste Patricia Kopatchinskaja dont on sait l’anticonformisme.

La jeune Moldave ne se déclare-t-elle pas elle-même « subversive » ! Son programme, « Rapsodia », marie folklore est-européen et pages classiques, dans le mode tzigane, puisées chez Bartók, Kurtág, Ravel et Enescu. Comme il en est de son disque, paru en 2010, chez Naïve.

Le concert débute et se conclut par un bouquet de pièces empruntées au folklore moldave, où l’on mesure l’engagement de l’intéressée et de ses partenaires. La transcription pour violon et piano des Danses roumaines de Bartók sonne avec passion, et l’héritage du folklore est ici évident. Les huit Duos pour violon & cymbalum op. 4 de György Kurtág, apparaissent tels des aphorismes musicaux, tant le langage y est raréfié, ce que la sonorité du cymbalum souligne.

Mais sous ces notes filées et cette introspection, le drame est sous-jacent. La veine tsigane, on la retrouve dans Tzigane de Ravel, donnée ici dans sa version avec accompagnement de violon, contrairement au disque où Kopatchinskaja avait opté pour le cymbalum. La liberté prise dans les premières phrases est étonnante, et l’énergie débordante ne se démentira pas. Une façon de voir que n’aurait peut-être pas désapprouvée l’auteur, tant la manière bohémienne est placée au centre d’une vision ébouriffante de caractère.

Le sommet du concert restera l’exécution de la 3e Sonate pour violon & piano, op. 25, de George Enescu, « dans le caractère populaire roumain ».

La donnée folklorique de cette pièce, qui a vu le jour en 1926, est réappropriée de l’intérieur, sans pour autant perdre la fraîcheur de l’inspiration populaire moldave. Enescu, violoniste virtuose, sait mêler traits populaires et savants. Yehudi Menuhin, l’un de ses interprètes de légende, estimait, à son propos, que « le violon chante avec une liberté et un élan d’improvisation inégalés ». La pièce, de forme rhapsodique, occupe aussi une place de choix dans l’art énescien, pour allier liberté tirée de son inspiration folklorique, et rigueur de la construction. Antoine Goléa y voyant « la flèche étonnamment hardie qui indique la direction profonde, secrète, de toute la vie créatrice d’Enesco ». Une ligne alliant expansivité et fragilité caractérise le « Moderato malinconio » initial. L’andante « sostenuto e misterioso » est un chant nocturne, déployant des sonorités évocatrices de paix, mais aussi de trouble, de l’âme roumaine sans doute, de par le travail sur le timbre et le rythme parlando-rubato, où le piano se voit traité comme un cymbalum précisément.

Le finale reprend le chemin d’un récit pittoresque paysan, non sans passion, tandis qu’en conclusion, revient le thème initial. Patricia Kopatchinskaja et sa consœur Mihaela Ursuleasa en proposent une interprétation vibrante.

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