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Les fantômes du cirque de Chisinau

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Auteur : Robin Koskas

Le cirque de Chisinau a été construit en 1981 par les autorités soviétiques de Moldavie alors chapeautées depuis Moscou par le vieillissant président du Soviet suprême : Leonid Brejnev. Les architectes S. Shoikhet et A. Kirichenko étaient chargés du projet.

Le cirque aux années ’80

Dans le but de « divertir les masses », selon la terminologie communiste, le cirque était une attraction extrêmement populaire en URSS. Déjà bien avant la révolution bolchevique, le cirque était devenu une tradition culturelle russe à partir du règne de l’impératrice Catherine II. Le cirque était ainsi considéré dans la mère Russie comme un art à part entière, à l’image de l’opéra.

Le cirque en construction

Aucune grande ville socialiste sous la coupe du Kremlin ne devait donc oublier d’offrir de beaux spectacles à ses chérubins. On en fit construire un peu partout. De la ville de Minsk en Biélorussie jusqu’à Achgabat au Turkménistan. Celui prévu pour Chisinau devait être à la hauteur des espérances.

Situé légèrement à l’écart du centre-ville, le bâtiment impressionne. Autant par sa mégalomanie soviétique que par son abandon total.

Apres avoir été le centre des distractions de Chisinau pendant 20 ans, le bâtiment a totalement fermé ses portes en 2004. Plus assez d’argent pour l’entretenir. Il avait survécu à la chute de l’Union Soviétique, mais les difficultés économiques de la petite République de Moldavie eurent finalement raison de lui. Depuis, il meurt lentement. En 2008, un ultime espoir a vu le jour lorsqu’une compagnie chypriote s’est engagée à restaurer l’ouvrage, mais le projet est finalement tombé à l’eau en 2011. Trop cher, trop complexe.

Ce cirque est fantomatique et baigne dans une poésie d’outre-tombe. Il dispose d’une magnifique salle circulaire de 1 900 sièges avec une place centrale d’un diamètre de 13 mètres.

A l’entrée de l’édifice, perchée au second étage, une immense sculpture en bronze représente deux clowns jonglant dans deux faucilles pour ne pas oublier que ce cirque était à l’origine au service du communisme. Aujourd’hui, l’idéal marxiste a laissé place au romantisme de la vieille pierre.

A l’intérieur, tout n’est pas tombé en ruine. Le colosse ne s’est pas effondré. Les vitres cassées, les couches de poussière et les squatteurs successifs n’ont pas démoli le ventre de la bête.

De vieux posters de spectacles sont restés accrochés au-dessus de la billetterie.

Les cintres des vestiaires sont toujours là. La buvette tient le coup.

De belles fresques murales féériques ont gardé leur couleur d’origine. Un clown côtoie un ours tandis qu’un lion sympathise avec un acrobate.

Tous les Moldaves nés dans les années 80 ont connu la magie de ces lieux et sa simple évocation leur provoque une nostalgie immense.

Călin, habitant de Chisinau, se souvient : « C’était génial de voir ces acrobates sur des chevaux au galop et ces clowns crétins faire mourir de rire tout le public. Je me souviens aussi très bien de l’orchestre du cirque. J’étais petit, mais je me rappelle que les musiciens étaient habillés d’un smoking noir et blanc. Les spectacles donnés l’hiver étaient comme des contes de fée : après chaque représentation, une boite de bonbons était offerte à chaque enfant… ».

Photo prise par Ion Chibzii

Diana, née en 1986, n’a pas oublié la magie de ces moments : « J’aimerais retourner dans le passé et aller avec mes parents là-bas, parce que c’était magnifique à l’époque. J’étais très impressionnée par les animaux dressés. Il y avait quelque chose d’intimidant de voir des bêtes puissantes comme des tigres ou des ours écouter leur maitre. ».

Sans faire dans le mélo, on imagine aisément cette époque révolue et la joie innocente des enfants devant les clowns, les trapézistes, les cracheurs de feu et les dresseurs de tigres.

Aujourd’hui, même si il est fermé et interdit d’accès, le cirque fait le bonheur des adeptes de l’exploration urbaine. En 2014, un bâtiment annexe a été rénové pour produire des spectacles de cirque dans un format bien plus modeste. Une riche idée pour faire revivre un peu cette ancienne folie des grandeurs. Pour autant, le grand cirque de Chisinau avec ses murs décrépis et son entrée cadenacée reste lui bien silencieux et a emporté avec lui le rire des enfants…

Espérons que certaines instances dirigeantes lui donneront un second souffle dans un avenir proche… Il le vaut bien.

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Merci à Olga Burlacu, Victoria Darii, Zinka Negruta et Cristina Mogîldea pour les photos de famille.

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