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Les enfants de la prison

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Au pénitencier de Pruncul grandissent onze enfants nés derrière les barreaux.

Nés derrières les barreaux, ils sont « condamnés » à passer leurs trois premières années en cellule.

Ils ne sont pas détenus, mais vivent derrière des portails de fer et ne sortent prendre l’air qu’à des heures précises et strictes. Il s’agit des enfants de mères incarcérées au Pénitencier nr. 16 de Pruncul.

Dans cinq mois, la petite Camelia Gherasimova sera libérée de prison. Pour la première fois, la fillette verra plus de choses de la vie que les quatre murs de la cellule et la cour de la prison. Elle connaîtra le monde toute seule car sa mère va rester encore cinq ans en détention. Carolina, la mère de Camelia, espère qu’elle sera amnistiée et qu’elle pourra revoir sa fille plus tôt.

« Depuis plus de deux ans et demie, je ne me suis pas éloignée d’elle. Je lui ai donné la vie en prison, c’est ici qu’elle a appris à marcher et à prononcer ses premiers mots. Je ne peux pas m’imaginer sa réaction au moment de notre séparation. Je pense même la nuit à ce que je lui dirai et ce que je ferai à ce moment là… », dit Carolina Gherasimova, une blonde svelte de 27 ans.

La jeune femme a été condamnée à 16 ans de prison pour trafic d’êtres humains, mais la Cour d’Appel a réduit sa peine de moitié. Les magistrats ont probablement été touchés par cette jeune femme qui a accouché derrière les barreaux.

Trois ans avec maman

Comme les onze autres femmes avec des enfants au Pénitencier de Pruncul, Carolina a été incarcérée quand elle était déjà enceinte. La législation moldave ne fait pas d’exception pour les inculpées enceintes. La grossesse ne les dispense pas de la prison, mais l’enfant leur « assure » un mode de vie plus adapté dans la cellule pendant trois ans. Les mères avec des enfants bénéficient d’un traitement spécial - une cellule plus large, avec une télé, bien rangée, et où habitent huit personnes (quatre femmes et quatre enfants), de la nourriture riche en vitamines et protéines. Ce luxe disparait quand l’enfant atteint l’âge de trois ans et sa garde est transmise à la famille. Dans le cas où les femmes n’ont pas de famille pour assurer la garde de leurs enfants, ils vont à l’internat. La mère est transférée pour finir sa peine au Pénitencier de Rusca.

Carolina a été la seule détenue qui a voulu parler de son histoire. Ses camarades de cellule ne veulent pas en parler. De honte, elles baissent la tête en disant seulement : « Nous ne souhaitons à personne une vie pareille à la nôtre… ».

Nés derrière les barreaux

Elena V., 21 ans, est la plus jeune maman en prison. Sa fillette vient d’avoir un an. La jeune maman a à la maison un garçon de quatre ans qui est à la garde de sa grand-mère. Quand nous avons fait une visite aux femmes à l’heure du déjeuner, la fille d’Elena était en train de prendre sa petite soupe, assise sur son petit pot.

« Elle aime bien faire les deux choses en même temps. Elle aussi aime s’endormir dans mes bras en écoutant des histoires. C’est un amour d’enfant. Toute la journée, je prends soin d’elle », raconte Elena.

Sa camarade de cellule, Vera S., a quatre enfants. Seul le plus jeune est avec elle en prison. Les trois autres sont chez leurs grands-parents.

« Mon mari est parti travailler à l’étranger. Il sait où je suis mais il ne peut pas m’aider pour l’instant. Ma sentence n’a pas encore été prononcée. Non, ne me demandez pas ce que j’ai fait parce que je ne le dirai pas… Sans cela, je suis malheureuse que mon enfant se trouve avec moi en prison. Maintenant, il a un an et a encore besoin de moi, plus tard je le donnerai à ma mère pour qu’elle s’occupe de lui », dit Vera S.

Une autre détenue a accouché en prison de deux jumeaux. Probablement, en raison du stress au moment de son arrestation, la femme a eu des problèmes pendant l’accouchement. A la naissance, un des jumeaux est mort. L’autre, même s’il y a un an, semble un nouveau-né. C’est une petite fille. « Si elle quitte mes bras, elle pleure. Elle ne veut pas rester avec d’autres femmes », dit Natalia M. au moment où elle allaite son bébé.

Aidées par les Organisations

Au moment où nous visitions la section « Mères avec des enfants », Roman Ciobanu, le chef du service éducatif de la prison, nous a dit que les onze détenues avaient été condamnées pour divers crimes : vol, homicide, trafic d’êtres humains et même infanticide.

Auparavant, toutes les femmes accouchaient à l’Hôpital nr.1 et après elles étaient amenées ici, dans cette section spécialement aménagée pour elles.

« Chaque jour, les détenues ne s’occupent que de leurs enfants. C’est vrai que les conditions de vie et la nourriture sont meilleures ici. Il s’agit des enfants. Ces conditions sont assurées pas des organisations qui travaillent avec nous. L’organisation la plus active qui nous aide pendant toute l’année est l’ADRA. En effet, les détenues n’ont pas la possibilité d’acheter des couches, des vêtements et d’autres choses dont elles ont besoin. Jusqu’au printemps de l’année dernière, les femmes avaient des aides de l’Etat, une indemnisation de 100 lei, mais celle-ci a été annulée au motif qu’elles sont déjà aidées en prison par l’Etat.

Les mamans et leurs enfants ont droit à une promenade de deux - trois heures par jour dans des endroits spécialement aménagés dans la cour de la prison ; elles passent le reste de leur temps dans leurs cellules. Toutefois, une fois par mois, elles peuvent recevoir leurs familles pour quelques heures, et tous les trois mois - elles ont le droit à des entrevues de douze heures à trois jours. Les femmes prennent bien soin de leurs bébés. Par exemple, une femme condamnée pour infanticide est la plus soigneuse de toutes », dit encore Roman Ciobanu.

Enfants laissés à la garde de leurs proches

Jusqu’à présent, il n’y a pas eu des cas où les petits soient séparés de leur maman avant l’âge de trois ans en détention, à part les enfants de six détenues qui ont été amnistiées ou bien ont fini leur peine avant que leurs enfants aient trois ans.

L’assistant social de l’institution, Ina Suiu, affirme que même en prison, c’est bien que les mamans ne soient pas séparées de leurs bébés. « Les premières années de la vie sont très importantes pour ces enfants et leurs mères, parce qu’il s’agit de la période de liaison entre eux. Les enfants avant trois ans comprennent le monde d’une façon différente, c’est pour ça que nous travaillons avec eux pour qu’ils n’apprennent le vocabulaire d’ici et pour éviter de dérégler leur moral. D’une part, je pense que les petits devraient être donnés après la naissance aux familles de leurs mamans, parce qu’ici ça reste la prison. D’un autre côté, la relation mère - enfant se perd s’ils ne sont pas ensemble pendant la période qui suit la naissance. On suggère aux mamans de confier la garde de leurs bébés à leur famille, mais finalement ce sont elles qui décident », a mentionné l’assistant social.

La plupart de détenues viennent de familles socialement vulnérables. De plus, beaucoup d’entre elles ne travaillaient pas avant d’arriver en prison et offraient à leurs enfants une vie très modeste. La moitié des femmes sont divorcées, mais à la maison elles ont encore au moins deux enfants. Les femmes disent qu’elles n’osent pas donner la garde des enfants à leurs proches parce qu’ils ont leurs propres problèmes. Mais les enfants, après l’âge de trois ans, doivent quitter la prison. Camelia sera à la garde de sa tante, qui a déjà la garde en ce moment de son frère aîné.

« Je ne sais pas ce qui va passer après notre séparation. Ici, je lui lis des histoires, mais je ne sais pas si à la maison il y aura quelqu’un pour le faire. De toute façon, je suis reconnaissante à ma sœur de prendre soin de mes enfants… », nous a dit Carolina au moment de la séparation.

Article par Irina Codrean, publié sur http://www.timpul.md/Rubric.asp?idIssue=727&idRubric=7501, traduit par Irina Todos. Relecture - Michèle Chartier.

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