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Ces étudiants moldaves qui s’exilent en Roumanie

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Article de Marion Roussey

Ils sont des milliers chaque année à traverser la frontière pour aller étudier dans le pays voisin. Est-ce pour la qualité des études ou bien par envie d’intégrer le territoire européen ? Les motivations sont diverses et la réalité parfois décevante. Ce nouveau phénomène, attirant de plus en plus de jeunes, semble recevoir l’appui des gouvernements romano-moldaves.

Jeune lycéen moldave âgé de 19 ans, Eugen a obtenu son bac avec d’excellents résultats. Il souhaite maintenant entreprendre des études d’anthropologie et espère devenir un jour chercheur international. Quoi de plus normal pour cet étudiant moldave que de s’inscrire dans une université … roumaine. Une fois sa décision prise, il lui a cependant fallu patienter une année, le temps de financer son projet et faire les démarches administratives. Car les formalités sont longues et la concurrence rude.

Au mois d’août, ils étaient des milliers à faire la queue devant le Consulat de Roumanie à Chisinau. Ils espéraient obtenir le précieux visa, permettant de franchir la frontière et commencer une nouvelle vie dans le pays « grand frère » de la Moldavie. Réunis en mars 2010 à Bucarest, les ministres de l’éducation des deux pays discutaient des accords universitaires pour l’année scolaire 2011-2012. Au total, 4800 bourses d’études devraient pouvoir être allouées aux étudiants moldaves, un chiffre en augmentation puisqu’il représente 1500 bourses supplémentaires par rapport à l’année dernière. La Roumanie réserve aussi un certain nombre de places d’étude aux étudiants moldaves : 1100 dans les universités et 950 dans les établissements d’enseignement secondaire. Les domaines d’étude tels que l’économie ou la médecine sont les plus convoités. La limite des places disponibles oblige certains étudiants, désireux de partir, à changer leur orientation.

Pour Eugen, son inscription en anthropologie a été acceptée, en partie grâce à ses bons résultats. En effet, les relations entre la Roumanie et la Moldavie sont complexes et si les deux pays autorisent la circulation de leurs résidents, celle-ci demeure encadrée, satisfaisant au passage quelques intérêts politiques. Ainsi pour Iurie Renita, ambassadeur moldave en Roumanie, les étudiants moldaves partis vivre en Roumanie doivent rentrer au pays une fois leurs études achevées. Cela permettrait à la Moldavie de se constituer une nouvelle élite, imprégnée d’une mentalité différente, plus européenne. Beaucoup de ces étudiants émigrent en effet pour une durée limitée. Ils obtiennent un visa d’étude sans acquérir pour autant la nationalité roumaine. D’autres en revanche tenteront d’obtenir le passeport. Ce document leur permettra-t-il de mieux faire valoir leurs compétences en Europe de l’Ouest ? On connait le scénario et la réalité est malheureusement tout autre : combien de diplômés d’Europe de l’Est débarquent en France après des études de médecine ou d’ingénieur, et se retrouvent à travailler comme baby-sitter ou employés de ménage ? Trop assurément !

Toutefois, ces considérations ne semblent pas dissuader les étudiants moldaves. A l’aube de leur parcours universitaire, ils ont le temps de préparer leur entrée dans le monde du travail et doivent pour le moment concentrer leur attention sur la nouvelle expérience qu’ils s’apprêtent à vivre. Car si la langue est la même, la vie à Bucarest est différente de celle à Chisinau.

Pourquoi faire des études en Roumanie ?

Suite à son départ, nous avons revu Eugen, étudiant moldave en anthropologie, résidant depuis quelques mois à Bucarest. Il nous livre son témoignage, ses considérations sur la vie en Roumanie, mais aussi, plus généralement, sur le sentiment que procure une expérience à l’étranger.

Pourquoi avoir choisi d’étudier en Roumanie ?

Pour plusieurs raisons. Avant tout, parce que je me sens Roumain, convaincu qu’un jour ou l’autre les deux pays finiront par être réunis. Je voulais donc connaître mon « pays d’origine ». Parallèlement j’avais besoin d’un nouveau challenge, de changer d’environnement afin de grandir et me développer du point de vue spirituel, intellectuel, voire professionnel. En restant en Moldavie, j’aurais eu la sensation de stagner. Ici, je vais pouvoir étudier, voyager, afin de rentrer au pays en ayant quelque chose de neuf à apporter.

En matière de reconnaissance des diplômes, qu’est ce que des études effectuées en Roumanie peuvent apporter de plus par rapport à la Moldavie ?

Je vais pouvoir découvrir un nouveau pays, une nouvelle ville et un nouveau mode de vie. Cela me permettra ensuite de faire valoir cette double nationalité et de comparer deux types de société. Je ne pourrais affirmer que les universités sont meilleures en Roumanie qu’en Moldavie car je commence tout juste mes études et je ne peux donc établir de comparaisons. Or, en Roumanie je vais pouvoir obtenir un degré d’études reconnues sur l’ensemble du territoire européen. Cela implique une meilleure reconnaissance des diplômes sur le marché du travail et la possibilité de bénéficier de tous les programmes mis en place par l’UE, tels qu’Erasmus, le SVE, les stages, etc. …

Jusqu’ici, quelles sont tes impressions sur la vie en Roumanie ?

J’aime ce pays et les gens qui y vivent. La différence avec la Moldavie n’est pas si grande, si ce n’est une meilleure qualité de vie avec des transports en commun, le métro, des rues mieux entretenues. Cela m’a d’ailleurs paru difficile au début car, contrairement aux Européens habitués aux aspects de la mondialisation, il a fallu que je m’adapte, que je modifie mes références.

Aujourd’hui, je suis encore surpris de voir ces gens qui utilisent une carte, plutôt que de demander leur chemin, qui achètent leurs tickets de métro à des machines, plutôt que de s’adresser au chauffeur.

Ce que j’apprécie en revanche est l’absence de la population russe. Les Roumains n’ont pas le complexe d’infériorité qu’ont les Moldaves. Ils sont moins frustrés et par conséquent plus ouverts et sociables. Je n’ai pas encore eu le temps d’explorer la diversité sociale, mais jusqu’ici je ne regrette pas mon départ. Certes, ma famille et mes amis me manquent, mais je suis heureux d’avoir franchi le pas : confiant, me voila prêt à relever de nouveaux défis.

Le 20 novembre 2011

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