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La campagne anti-alcool de 1985-1987 et ses conséquences sur la Moldavie soviétique

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Les Moldaves cultivent la vigne et produisent du vin depuis le temps jadis. À l’époque médiévale déjà, les vins de Purcari, par exemple, étaient vendus en Europe et, après l’an 1812, les vins moldaves étaient largement consommés par les nobles russes. A toutes les étapes de l’histoire, le vin moldave a été apprécié pour sa qualité.

En Union Soviétique, il y a eu plusieurs campagnes anti-alcool, celle de 1985 étant la plus radicale et la plus tragique pour la viticulture. Cette campagne a été déterminée par l’augmentation excessive de la consommation d’alcool en 1984, atteignant une quantité annuelle de 10,5 litres d’alcool par adulte. Si l’on y ajoute la fabrication non-contrôlée et illégale de boissons alcoolisées, ce chiffre pourrait dépasser 14 litres par an, l’équivalent de 90 à 110 bouteilles de vodka par chaque homme adulte.

Le début de la lutte anti-alcool

La campagne anti-alcool a été lancée par les membres du bureau politique du Comité Central du Parti Communiste de l’URSS, M.S. Solomentsev et E.C. Ligatchiov, mais, vu qu’elle a été mise en place pendant la période de M. S. Gorbatchiov, elle est surtout connue comme la campagne „gorbatchoviste”. La décision du Comité Central du PCUS sur « Les mesures censées combattre l’alcoolisme » a été émise le 7 mai 1985. Une décision ultérieure du Soviet Suprême de l’URSS stipulait les actions concrètes à entreprendre dans ce sens, ainsi que les responsabilités de diverses autorités, prévoyant en outre la limitation considérable de la production et de la vente d’alcool.

Le 16 mai 1985, le Présidium du Soviet Suprême de l’URSS a émis un décret sur « L’intensification de la lutte contre l’alcoolisme » qui prévoyait une responsabilité pénale et administrative pour le non-respect des mesures anti-alcool. Ces documents ont bien sûr donné des effets dans toutes les républiques soviétiques, y compris en Moldavie.

La campagne anti-alcool a officiellement commencé en Moldavie le 28 mai 1985, quand les autorités moldaves ont, à leur tour, adopté des documents sur la lutte contre l’alcoolisme.

Pertes de plus de 500 millions de roubles en un an

La campagne anti-alcool a sérieusement affecté le développement de la viticulture et de la vinification moldaves. Les mesures catégoriques entreprises à l’époque ont été désapprouvées par de nombreux spécialistes. Ils ont avant tout condamné la destruction des vignobles. Environ 80 000 hectares de vignoble sur les 210 000 existant à l’époque ont été détruits en 1985. On envisageait en fait de détruire les sortes de raisins pour vin et de les remplacer par du raisin de table. Mais le processus de replantation a été très lent.

D’autre part, les pertes économiques ont été très importantes, vu que les revenus provenant de la vente des boissons alcoolisées constituaient plus de 30% des recettes budgétaires en Moldavie en 1984. Une fois la vente des boissons alcoolisées restreinte, l’économie a subi de grandes pertes. Or, en janvier-septembre 1985, par exemple, les ventes de produits alcoolisés ont diminué dans le pays de 40% (46 millions de roubles) par rapport à l’an 1984. En janvier-août 1986, les revenus provenant de la vente des boissons alcoolisées ont diminué de 118 millions de roubles, par rapport à 1985. Le nombre d’unités commerciales vendant du vin et de la vodka a diminué de 42,2%. D’autre part, le volume des ventes de boissons non- alcoolisées, jus de fruits, produits laitiers a augmenté de 30%, mais cette augmentation ne couvrait pas les pertes.

Des festins … sans alcool

Cependant, tandis que la campagne a durement frappé l’industrie du vin, elle a eu des effets bénéfiques sur la santé de la population. Les mesures prises dans la lutte contre l’alcoolisme ont donné des résultats positifs, mais parfois elles étaient absurdes – on réprimandait en public les gens qui consommaient de l’alcool aux célébrations en famille, on tentait de « persuader » les gens de célébrer leurs mariages et d’autres événements de famille sans consommer de l’alcool, ce qui a donné naissance à beaucoup de blagues et d’histoires anecdotiques.

Des sanctions administratives et pénales étaient imposées aux personnes qui consommaient de l’alcool dans les lieux publics et au travail, ainsi qu’aux responsables qui ne prenaient pas toutes les mesures nécessaires contre les « coupables ».

Une lutte intense était menée contre la production artisanale de l’alcool et du vin. Parmi les mesures prises, la limitation de la quantité de sucre qu’on pouvait acheter. Or, c’était l’élément principal utilisé dans la production de la gnole. Un mois de la propagande anti-alcool a été organisé au niveau national du 20 mai au 20 juin 1986.

Des chiffres pour illustrer l’impact de la lutte anti-alcool

Selon les données des archives du ministère de la santé, le 1 avril 1987, en Moldavie il y avait 80 000 alcooliques, dont 20% de femmes, la plupart étant des habitants des localités rurales. Ces chiffres dépassaient considérablement la moyenne dans l’Union Soviétique. Un problème particulier qu’on espérait résoudre à travers la lutte contre l’alcoolisme était la conduite en état d’ivresse. En 1986 et au cours des quatre premiers mois de 1987, 931 accidents de la route ont été provoqués par 28 000 conducteurs en état d’ébriété.

En mai-septembre 1985, le nombre de délits a diminué de 18,9% et le nombre de délits graves - de 23% par rapport à la même période de l’an 1984. En 1986, le nombre de personnes placées dans des centres de désintoxication médicale a diminué de 52%, le nombre d’accidents de la route - de 2%. Donc, la lutte anti-alcool a donné des effets positifs, sans cependant éradiquer l’alcoolisme.

Selon un sondage effectué en 1986, 78% des habitants des villes consommaient de l’alcool les jours de grandes fêtes et aux événements en famille, 48% des personnes interrogées consommaient de l’alcool pendant les vacances et aux weekends, 16% - pour célébrer le jour du salaire, 15% - en honneur de l’achat d’un objet neuf. 13% des participants aux sondage consommaient de l’alcool chaque jour.

D’après un article d’Alexandru Argint, publié sur https://www.timpul.md/articol/alexandru-argint-campania-antialcoolica-din-1985-1987-si-efectele-sale-pentru-rsssm-49652.html

Le 20 avril 2020

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