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A l’initiative des retraités d’AGIR, l’Anjou-Maine tend la main aux viticulteurs et fermiers moldaves

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Article de Henri Gillet

A la découverte d’une agriculture de troisième type

Des initiatives de coopération et d’échanges commencent à voir le jour entre Français et Moldaves, témoignant d’une timide prise de conscience. Peut-on laisser seule et oubliée encore longtemps la petite République face à l’envahissante sollicitude de son ancien protecteur soviétique, alors qu’elle tourne de plus en plus son regard vers l’Ouest, espérant y trouver une main tendue ? A Angers, l’association AGIR Anjou-Maine, animée par Jacques Ecuyer, a visiblement compris le message, y répondant de manière plutôt inédite et riche de promesses, pour des Moldaves qui découvraient une agriculture de « troisième type ».

En mars dernier, une délégation de douze Moldaves, de la région de Ialoveni, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale, Chisinau, prenait la direction de la région angevine pour un stage de découverte d’une semaine. Ces agriculteurs et viticulteurs répondaient à l’invitation de la délégation Anjou-Maine de l’association des retraités AGIR. Ils lui rendaient la visite effectuée au mois d’octobre précédent par un groupe de ses adhérents mais aussi de spécialistes de l’agriculture, venus sur place défricher le terrain d’un projet de coopération entre les deux pays qu’elle pilote.

Les Moldaves ont été répartis en trois groupes, chargés chacun d’étudier un secteur d’économie, essentiel pour leur pays comme la viticulture, ignoré comme les relations entre producteurs et consommateurs, ou prometteur comme le tourisme rural. Visites d’exploitations, de fabricants de matériels, de fermes-auberges se sont succédées, avec la perspective d’intensifier les échanges dans les mois qui viennent.

Cette initiative n’est pas passée inaperçue en Moldavie. Au retour, des journaux titraient, avec fierté ou surprise, « Les nôtres en France », « Des fermiers moldaves en France ! », « Invités par les Français ! »… donnant des comptes-rendus du périple effectué, illustrant les attentes de ceux qui veulent moderniser leur pays et leurs activités et avaient entrepris ce long voyage en terre inconnue.

« Là-bas, l’étiquette de la bouteille porte même le nom du viticulteur ! »

« La technologie de vinification est beaucoup plus développée et simple que chez nous » a confié, impressionné, Ion Bîrsa aux journalistes. Le responsable de la Fédération des fermiers moldaves pour la région de Chisinau a particulièrement insisté sur le contrôle entier de la chaîne de fabrication revenant au viticulteur français… de l’entretien de sa vigne jusqu’à la commercialisation de ses bouteilles, n’en revenant pas qu’il vende 80 % de sa production dans sa cave, 20% seulement partant vers des circuits extérieurs.

Ion Bîrsa, responsable de la Fédération des fermiers moldaves de la région de Chisinau (à gauche), dans la vigne de Mihai Sava, lui aussi du voyage à Angers.

Et de s’exclamer, admiratif mais aussi un peu envieux : « Le paysan de là-bas peut vendre son vin sous sa propre marque, l’étiquette porte même son nom ! C’est lui le maître de sa production ! Dès que la qualité de son vin est certifiée par un groupe d’experts dans le cadre d’une association regroupant les fermiers, il peut en faire ce qu’il en veut ! ».

Ce n’est pas le seul enseignement que Ion Bîrsa a ramené de l’Anjou, espérant bien en faire profiter les membres de sa fédération. « Les viticulteurs disposent d’outillage et de techniques agricoles performants. Si un matériel leur manque, leur coopérative leur en fournit. Et puis, rien ne se perd… même les déchets accumulés au cours de la vinification sont réutilisés. Ils en font de la peau de saucisson, de l’huile de pépins ou des engrais ! ».

Séduits par les chambres d’hôtes

Mihai Voloh, un ancien journaliste de la télévision moldave, mis longtemps à l’index par le pouvoir communiste pour ses penchants démocratiques et obligé de s’exiler de longues années à Bucarest, était chargée avec sa femme, Stela - tous les deux parfaits francophones - de faire le compte-rendu du voyage. Le journaliste a observé le volet « tourisme rural ».

« Notre délégation était hébergée dans le gîte rural de Jean-Claude et Martine Colibet. Un véritable mini-hôtel qui peut accueillir jusqu’à quinze personnes. Mais c’était beaucoup mieux parce qu’on était accueilli par des gens du crû, on mangeait et passait les soirées ensemble. L’endroit était beau, calme. Il en existe 70 de la sorte rien que dans la région et 80 000 dans toute les France. S’il n’y a plus de place, on vous donne une adresse pour vous loger. Et ils vous y emmènent ! ».

Mihai et Stela Voloh, chargés de rapporter en Moldavie le compte rendu du voyage en terre angevine

Mihai Voloh a surtout noté que le tourisme rural est un complément qui permet aux agriculteurs de rester sur place et continuer leur activité, ces derniers ayant beaucoup d’autres idées : « Jean-Claude et Martine cultivent des semences de fleurs. Quant vient la saison des boutons, ils reçoivent beaucoup de visiteurs qui viennent en acheter ».

Les Moldaves ont bien compris tout l’intérêt de l’agro-tourisme. « Vous avez un pays pittoresque, un accueil de qualité, tout comme vos vins et votre cuisine… Ce serait bien dommage de ne pas en profiter » les ont encouragés les Angevins, leur promettant le support de leur expertise. « On a besoin de mettre au point une carte avec un tracé touristique, de disposer d’une base de données avec toutes les adresses sur un site Internet, d’une brochure qui serve de guide, d’entrer dans les circuits touristiques européens » analyse Mihai Voloh, ajoutant « mais pour cela, il faut qu’on se structure ».

« En France, on appelle ça l’agriculture à visage humain »

Gheorghe Malcoci et sa femme Maria faisaient partie du troisième groupe, chargé de se pencher sur les relations producteurs-consommateurs. L’ancien directeur de kolkhoze, aujourd’hui à la tête de l’organisation des agriculteurs de sa région, n’était pas au bout de ses surprises. AGIR-Anjou-Maine a fait rencontrer aux Moldaves Alain Guiffes qui élève des vaches, des porcs, produit son lait, du fromage, du beurre, de la crème, des yaourts, ainsi que de la farine grâce à son moulin. Cet échange n’allait pas sans la présence de Francine Freulon, animatrice locale de l’Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne (AMAP), à laquelle l’agriculteur appartient aussi, puisque son objet est la vente directe entre producteur et consommateur.

Gheorghe et Maria Malcoci sont déjà rompus aux techniques modernes.

« Au début de la saison, le fermier signe un contrat avec un groupe de clients, souvent des parents, des amis, des collègues, des voisins, et s’engage à leur fournir différentes denrées et eux à les acheter. Comme ça, Alain Guiffes a 220 familles à nourrir chaque semaine. Elles viennent par groupe de 60, à une heure dite, chercher leur sac rempli, soit directement à la ferme ou à l’école d’agriculture d’à côté qui a prêté ses locaux », raconte l’ancien kolkhozien qui conclut : « En France, ils appellent ça l’agriculture à visage humain ».

Et de commenter les avantages de cette solution directe. « Les paysans n’ont pas besoin d’aller vendre au marché. Il n’y a plus d’intermédiaires, de magasins à approvisionner, et le producteur gagne trois fois plus ». Autre atout souligné : « Comme ça, les Français savant ce qu’ils mangent. Ils veulent de plus en plus de produits biologiques dans leurs assiettes ».

Belles cylindrées de l’Anjou contre vieilles charrettes moldaves ?

Les Moldaves ont ainsi touché du doigt l’importance donnée à l’écologie en France. « De plus en plus de viticulteurs français abandonnent les fongicides et herbicides et choisissent des pratiques plus naturelles pour soigner leurs vignes » rapporte Gheorghe Malcoci, « ça leur permet d’obtenir des vins de meilleure qualité qui sont, certes, plus chers, mais ne restent pas sur les rayons des magasins ».

A Saumur, l’ancien maire vert de la ville, Jean-Michel Marchand, également conseiller général, leur a expliqué que dans un groupe de villages de son canton, les agriculteurs avaient décidé de remiser leurs voitures au garage pour leurs activités professionnelles. N’en croyant pas leurs oreilles - chaque Moldave rêve d’avoir une voiture - ils l’ont entendu expliquer que, désireux de retrouver un cadre de vie plus respectueux de la nature et moins stressant, ils souhaitaient ne voir plus circuler que des charriots sur leurs chemins de campagne.

Alors à quand un nouvel échange où les Angevins troqueraient leurs belles cylindrées contre de vieilles charrettes moldaves ? Gheorghe Malcoci, lui, envisage plutôt d’envoyer 60 nouveaux « stagiaires » dans cette région de la « Douce France » que lui-même et ses compatriotes ont tant appréciée, pour essayer d’enraciner dans son pays cette agriculture de « troisième type » qu’il y a découverte.

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