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Une famille remarquable

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Dans la famille Cotorobai du village de Răzeni, district de Ialoveni, il y a cinq enfants. Brillants à l’école et détenteurs de diplômes d’études supérieures, ils travaillent aux côtés de leurs parents dans les champs. L’aînée de la famille est partie travailler à Moscou pour gagner l’argent dont elle a besoin pour se faire construire une maison dans son village. La cadette s’est fait embaucher en qualité de vendeuse au magasin du village pour tout l’été, tandis qu’un des garçons qui a obtenu d’excellentes notes à la session de fin de la première année à la faculté de droit, cuit du pain et fait la lessive quand sa mère n’est pas à la maison. Voici ce que ça veut dire, « une bonne et laborieuse famille de Răzeni ».

les Cotorobai

Joyeux, unis, bienveillants et aimables, c’est ainsi que j’ai retrouvé les membres de la famille Cotorobai. Seulement quatre des cinq enfants étaient à la maison, car l’aînée s’est mariée et elle est partie gagner sa vie à l’étranger. Les autres, restés au village, sont unis et heureux avec leurs parents. Brillants à l’école et au bêchage

Les parents entretiennent encore quatre enfants, deux écoliers et deux étudiants. La plus grande, Maria, a fait des études dans le domaine de la technologie de transformation de la viande. Elle a travaillé dans une fabrique de saucissons, mais l’argent qu’elle gagnait ne lui suffisait pas pour son plus grand rêve, achever la construction de sa maison.

Lenuţa est étudiante en troisième année à l’Université de Chişinău. Elle veut devenir professeur de mathématique. Sa mère dit qu’elle a beaucoup travaillé pour réaliser son rêve. “Elle participait aux olympiades et gagnait tous les prix”. Le père de Lenuţa confirme que sa fille a du talent pour les énigmes mathématiques. Ses efforts ont été appréciés à la faculté : “Pour récompenser mes excellents résultats, on m’a offert une place dans un foyer - étudiants”. Lenuta passe la plupart du temps au foyer car « c’est cher et dangereux de sortir à Chişinău », ajoute son père. « Parfois, nous allons au concert sur la place centrale de la ville, quand c’est gratuit ».

Tous les vendredis, Lenuţa revient chez elle, à Răzeni, pour aider ses parents. « Depuis que nous étions petits et que notre mère travaillait la nuit, nous et notre père, nous avons appris à cuire du pain, à faire la cuisine et les travaux ménagers », dit Lenuţa, tout en ajoutant qu’elle ne peut pas imaginer que quelqu’un d’autre travaille leurs champs. « Nous nous réveillons très tôt, à cinq heures du matin, et nous allons aux champs. Vers 11 heures, nous revenons à la maison, nous nous reposons puis, à cinq heures du soir, nous retournons aux champs ».

Quand elle était petite, Lenuţa s’est reposée une seule fois dans un camp pour enfants. En général, tous les étés, elle travaillait la terre aux côtés de ses parents. Cet été, pendant ses vacances, elle travaillera comme vendeuse dans un magasin du village.

Dumitru, un de ses frères, est en vacances, lui-aussi. Il est étudiant en deuxième année à la faculté de droit, après n’avoir obtenu que d’excellentes notes aux examens de la session de fin de première année. Ses parents espèrent que ces résultats leur permettront d’être exemptés de la taxe sur ces études déjà onéreuses.

Le premier septembre, il nous faudra dix mille lei, huit mille pour payer la taxe d’études et encore mille cinq cent lei pour la taxe d’hébergement dans le foyer” dit la mère, Zinaida. Ils payeront ces taxes en plusieurs fois pour pouvoir les supporter. L’an dernier, un oncle qui travaille en Russie les a aidés à payer les études. La mère de Dumitru dit, les larmes aux yeux, que cette taxe d’études engloutit une grosse partie du budget de la famille. « Il ne leur reste rien pour acheter à manger dans les magasins. Tout ce qu’ils mangent, provient de leur travail », précise-t-elle.

Tous les dimanches, le chef de la famille remplit de gros sacs avec des denrées pour chacun des étudiants et va à Chişinău. En plus, il leur donne une centaine de lei. Lenuţa et Dumitru comprennent à quel point leurs parents s’efforcent de les aider comme ils peuvent. Dumitru plaisante et dit que s’il veut aborder une fille, il l’invite dans le parc. « Je sais que c’est cher d’aller dans un café par exemple ».

Les deux autres enfants, Constantin et Nina, sont, respectivement, en huitième et en neuvième. Ce sont de bons élèves qui sourient quand on leur demande quels sont leurs projets d’avenir. « Après l’école, ils doivent aller au collège, avoir leur baccalauréat et apprendre une profession », recommande Lenuţa en répondant à leur place.

5 kilos de pâtes

Zinaida Cotorobai a 43 ans, elle est infirmière dans un hôpital pour enfants de Chisinau. « J’ai un salaire de mille lei. Si je fais des heures supplémentaires de garde de nuit, j’en gagne deux ou trois mille. Je ne peux pas dire que nous vivons mal, pourquoi s’en prendre à Dieu ? » dit Zinaida. Avec son salaire, la famille s’en sort assez bien. Le père, quant à lui, travaille comme chauffeur, mais son salaire dépend du nombre de commandes qu’il a. Pour le reste, il travaille à la maison et s’occupe du bétail.

Les Cotorobai et leurs cinq enfants n’ont reçu de l’aide de la mairie qu’une seule fois, cinq kilos de pâtes. « A part ça, le 1 juin, les plus petits ont été invités au Centre au village et ont reçu une aide de cent lei », dit la mère. « Pour recevoir quelque chose, il faut passer des journées dans les couloirs de la mairie et se plaindre ; moi, je ne veux pas faire ça », raconte madame Zinaida. « Même à l’époque où mes cinq enfants étaient scolarisés, je n’avais aucun avantage, je n’était même pas dispensée pour la location des manuels scolaires. Je payais tout ce qu’il fallait payer, car je ne voulais pas qu’ils souffrent d’être cinq. »

Les Cotorobai ne sont jamais partis en vacances. Gheorghe Cotorobai se souvient qu’on lui avait proposé, une seule fois, un billet de traitement au sanatorium de Cahul, mais quand il s’était décidé à y aller, quelqu’un d’autre, “plus malade que lui” en a profité. « Au village il y a un étang et on peut s’y baigner, mais après, quand on revient chez soi, il faut utiliser un tuyau d’eau pour enlever la boue », dit le père. Et les enfants en rient. Pourtant le lavage au tuyau est un luxe. « Si l’on consomme moins de dix mètres cubes d’eau par mois, on paie quatre lei pour un mètre cube, mais si on consomme plus, on paie 16 lei. Nous sommes sept, il est donc évident que notre famille consomme au moins 15-16 mètres cubes d’eau », explique le chef de famille. Il ajoute qu’il serait raisonnable de tenir compte du nombre de personnes dans une famille quand on établit ce genre de normes.

Un autre problème concerne la connexion au réseau d’approvisionnement en gaz naturel. « Pour faire venir le gaz dans ma maison, il me faut environ 10 mètres de tuyau qui coûtent plus de 10 mille lei. Dites-moi où prendre cet argent ? Des gens du village ont vendu du bétail pour se connecter au réseau de gaz, mais nous ne pouvons pas faire ça, car nous devons nourrir nos enfants avec », affirme Gheorghe Cotorobai, tout en ajoutant : « En hiver, nous dépensons environ 4 mille lei pour acheter du bois de chauffage et quand nous avons plus d’argent, nous achetons aussi du charbon ».

La famille mise surtout sur le potager et le bétail. Au cours des dernières années, ils ont élevé une vache qui leur donnait du lait et du fromage. « Mais, la vache est morte subitement », dit avec amertume Zinaida. « Quand on a une vache à la maison, alors on a toujours à manger. Nous aimerions bien en acheter une autre, mais les vaches sont très chères, huit à neuf mille lei », dit-elle aussi. Alors cette année-ci, les Cotorobai ont élevé des cochons qu’ils on vendus.

Ils disposent d’un hectare de terrain agricole où ils cultivent du maïs. Ils ont aussi un petit vignoble, car les enfants aiment le jus de raisin. Dans le potager, ils cultivent des pommes de terre et d’autres légumes. « Nous n’achetons pas de pain. J’achète du froment à Horeşti, car il est moins cher là-bas, nous en faisons de la farine et nous cuisons du pain tous les deux ou trois jours » ajoute Zinaida.

On se contente de se qu’on a

Les années 97-98 du siècle passé ont été la plus difficile période pour les Cotorobai, personne n’avait de salaire dans la famille. Le père des enfants était parti travailler en Russie, dans le secteur des constructions. Zinaida reconnaît qu’elle aussi pensait partir gagner sa vie à l’étranger, mais elle ne l’avait pas fait à cause de ses enfants. « Comment quitter mes enfants ? Je ne suis déjà pas bien si je ne les vois pas un seul jour, alors comment les laisser pour des mois entiers ? Je préfère ne manger que du pain et du sel, mais être chez moi avec eux », dit cette femme. Les parents aident leurs enfants, ainsi de temps en temps ils leur donnent des vêtements et des chaussures pour qu’ils puissent aller à l’école.

Ils prient Dieu de leur accorder la santé, surtout après l’accident subi par le chef de la famille. Il y a quatre ans, lorsqu’il conduisait un camion, en essayant d’éviter une automobile où il y avait deux enfants, son camion s’est renversé. « Les médecins ne voulaient même pas me recevoir à l’hôpital, ils disaient qu’ils ne pouvaient rien faire », se souvient Gheorghe. Il a dû garder le lit pendant des mois.

Des larmes perlent aux yeux des enfants quand ils se souviennent de cet épisode malheureux. Gheorghe Cotorobai ne peut pas travailler comme avant, mais il se console en disant qu’il sait se contenter de ce qu’il a. Maintenant, les enfants de la famille des Cotorobai sont heureux car ils ont un ordinateur. C’est un vieil ordinateur qu’ils ont pu acheter avec peu d’argent, mais ils en sont très contents. Le père des enfants trouve qu’ils passent trop de temps devant, car les résultats scolaires du cadet en pâtissent. « Des “sept” sont apparus dans le carnet de Costel… », gronde le père. Malgré tout, Gheorghe Cotorobai est content de chaque jour passé près de ses enfants et sa seule préoccupation est d’avoir un emploi. « Dans d’autres familles, il y a un seul enfant qui a besoin d’argent, chez nous, tous les cinq en demandent… », conclut il.

Article par Natalia Dabija, publié sur http://www.zdg.md/social/o-familie-eminenta. Traduit pour www.moldavie.fr Relecture – Didier Cornede.

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