Transnistrie, un peu plus de 4000 km², 500 000 habitants. Mircea Snegur, premier président de la Moldavie quand ce pays se détacha de l’URSS, fit une erreur, dit-on dans le folklore local de Chisinau. Il n’a pas fait exploser le pont qui sépare Tighina-Bender de Tiraspol. Ainsi, pendant la guerre qui opposa pendant six mois les vaillants Moldaves à la 14e Armée russe du général Lebedev et à l’armée de Transnistrie, menée par l’actuel président Igor Smirnov, Tiraspol gagna son indépendance. En 1990. Si Snegur avait osé sauter en air ce pont, le sort du territoire sécessionniste aurait été autre.
• 6 candidats au fauteuil de président d’un pays qui vit encore en URSS
Bref, au-delà de légendes, pour la première fois en 20 ans de présidence, le président actuel de la Transnistrie, Igor Smirnov, n’a plus le soutien de Moscou, le grand voisin qui supporte de facto l’économie de cette région séparatiste située sur le territoire de la Moldavie. Kremlin a fait savoir, peu après l’enregistrement des six candidats – Igor Smirnov, Anatoli Kaminski, chef du Soviet Suprême, Evgueni Sevciuk, ex-président du Soviet Suprême, Oleg Horjan, le chef du Parti Communiste, Andrei Safonov, politologue, et Dmitri Soin, leader du Parti Démocrate Populaire – pour l’élection présidentielle qui aura lieu aujourd’hui 11 décembre, qu’il soutiendra Kaminski.
Smirnov, qui lorgne vers son 5e mandat, est convaincu, selon les médias régionaux, que son pays sera reconnu un jour. De plus, il n’exclut pas la possibilité d’organiser un référendum après l’élection et en cas de gain, afin de décider par la suite si la région autonome ne réintègrera pas l’Ukraine. La Transnistrie, ancienne région de Podolie, a été en effet entre 1924-1940, une partie de l’Ukraine. Quand l’URSS a occupé la Moldavie, en 1940, Staline créa un patchwork entre la Transnistrie et la nouvelle conquête, dénommée la République Moldave. La résolution de ce « conflit gelé » - la région sécessionniste n’est reconnue par aucun état, ni même par la Russie – est gérée par un groupe de pays et organismes internationaux qui se réunissent dans le cadre du « format 5+2 ». Il s’agit de la Transnistrie, la Moldavie, la Russie, l’Ukraine et l’OSCE, plus l’UE et les Etats Unis, comme observateurs. La dernière rencontre du groupe a eu lieu le 30 novembre, à Vilnius, en Lituanie, sous égide OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe). La prochaine rencontre aura lieu en février 2012, à Dublin, capitale du pays qui détiendra la présidence tournante de l’OSCE. En 2006, année de la précédente élection présidentielle, une bombe explosée dans un bus de Tiraspol a fait 8 morts. Les leaders de la Transnistrie affirment souvent ne pas reconnaître l’éclatement de l’URSS, formation géopolitique qu’ils n’ont jamais quittée, en fait.
• Bucarest-Chisinau-Tiraspol
Etape primaire du voyage mosaïque vers Tiraspol. Avion Paris-Bucarest, train Bucarest-Chisinau. Ce fut un train bizarre à mythologie variable : à Bucarest il y avait ceux qui disaient qu’on va voyager comme des bébés, bercés par le rythme des wagons dans la pleine roumaine puis moldave ; ceux qui disaient que nous allons être des victimes de rackets (ou de viols) ; et ceux qui disaient qu’il y aura certains exotismes. Eh bien, le train Bucarest-Chisinau, départ à 19h10 de la si exotique et louche Gare de Nord, n’est pas dangereux. Tapis par terre, miroirs, murs capitonnés et banquettes confortables, mais très-très ressemblantes avec les scènes des romans russes. Il manquait juste le samovar. Mais nous avons dormiiiiiii, jusqu’à ce que le chef de wagon qui était aussi garçon de wagon et surveillant, en fonction de l’uniforme-chemise-t-short rouge qu’il mettait, nous réveille pour la douane. Double. Suspecte. Et le changement des roues (comme dans la formule Une, mais pas avec la vitesse nécessaire) qui dura deux heures. Dans des chaussures soviétiques, saines à Chisinau, nous avons résisté à l’appel des taxis, pris un bus, descendues en plein manifs de communistes contre les pro-européens. Nothing new, nous dit une passante. Au revoir. Demain, Tiraspol, certes à l’aube, et certes, toujours et encore avec des émotions. Du far East sauvage moldave dans le no man’s land de Smirnov, le leader séparatiste qui fut lui-aussi tout – chef de l’armée, président, négociateur et qui sait encore demain, tout est permis. Depuis aujourd’hui, il faut aussi des photos afin de pouvoir pénétrer. Le photographe nous engueule. Comment osons-nous aller pendant une élection non-reconnue à Tiraspol. Suspens jusqu’à demain matin.
Article de Iulia Badea Guéritée et Judith Sinnigé, presseurop.eu, article publié en intégral et à l’origine par le hebdomadaire roumain Dilema Veche (voir pour la galerie photo aussi)
Repris sur : http://alest.blogs.courrierinternational.com/archive/2011/12/10/la-transnistrie-pour-les-nuls-episode-1.html