Depuis quelques années, une nouvelle génération de créateurs moldaves perce sur la scène internationale. Tandis que des marques prestigieuses comme Moncler, Emporio Armani, Max Mara ou Luisa Spagnoli produisent une partie de leurs collections en Moldavie, les jeunes stylistes locaux se lancent dans l’aventure de leurs propres marques, réinventant l’héritage textile du pays.
« Si je l’ai fait, alors tout le monde peut le faire », affirme Julia Allert, qui a fondé son label pendant la pandémie de Covid-19, avec « une idée folle, deux machines à coudre et deux couturières » dans un petit atelier à Chișinău. Quelques années plus tard, l’entreprise tourne à plein régime : 17 000 pièces vendues par an, 95 % exportées dans plus de 50 pays.
Pour Allert, la mode moldave est incomparable : « Nous sommes uniques. Notre style naît d’un mélange d’influences venues de l’Est, de l’Ouest, et même d’Asie, grâce à la proximité de la Turquie. Nous voyons le monde dans toutes ces couleurs. »
L’industrie textile moldave plonge ses racines dans l’époque soviétique. Après la Seconde Guerre mondiale, le pouvoir central a bâti en Moldavie des usines destinées à habiller l’ensemble de l’URSS, tirant parti du savoir-faire local en couture et en tricot. De cette époque est née une véritable tradition manufacturière. Si au départ les usines produisaient des vêtements simples et résistants, l’offre s’est diversifiée au fil des décennies. À la fin de l’ère soviétique, 80 % de la production textile moldave était exportée vers les autres républiques de l’Union. Le pays a ainsi hérité d’équipements modernes et d’un savoir-faire précieux — un socle sur lequel s’appuient aujourd’hui les jeunes créateurs.
L’usine Ionel, fondée en 1945, incarne cette continuité. Toujours en activité, elle produit sous sa propre marque, mais aussi pour des géants de la mode comme Moncler. Située en plein centre de Chișinău, cette usine de cinq étages bourdonne d’activité : des rangées de couturières découpent, cousent, assemblent boutons et tissus. Partout, des piles de vêtements attendent l’exportation vers l’Allemagne, la France ou l’Italie. C’est cette coopération avec de grandes marques internationales qui a permis à Ionel de survivre au chaos économique des années 90, après l’effondrement de l’URSS.
Quand les Kardashian chaussent moldave

Une autre étoile montante est Fidan Novruzova, demi-finaliste du prestigieux prix LVMH pour jeunes créateurs — une première pour la Moldavie. Née à Chișinău, d’origine azerbaïdjanaise, elle s’est fait un nom grâce à ses bottes carrées, élégantes et graphiques, qui allongent la silhouette sans effort. Ses créations ont séduit Katy Perry, Bella Hadid, Kourtney Kardashian et Chloë Sevigny.
Son esthétique est saluée pour son originalité. Le magazine Nylon décrit ses pièces comme « familières, mais subtilement décalées, avec une touche d’étrangeté qui attire les femmes avant-gardistes ».
Fidan Novruzova confie qu’elle n’était pas prédestinée à la mode : « À l’école, je n’étais pas douée en couture et je ne connaissais pas grand-chose à l’industrie, mais j’étais incroyablement motivée. » Avoir démarré son activité en Moldavie fut un atout : « Si j’avais commencé à Paris ou Londres, je n’aurais jamais pu tout lancer aussi facilement. Ici, les grandes usines comme Ionel rendent la production bien plus accessible. »
Entre production pour les grandes maisons internationales et développement de marques locales innovantes, le pays affirme progressivement sa place sur la scène mondiale.
Source : emerging-europe.com
Le 9 juin 2025