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Blocage en Moldavie ?

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Article de Gilles Ribardière

Deux ans que la Moldavie se cherche un Président … Et pourtant le pays progresse sur le chemin escarpé de la démocratie, car il a la volonté de se rapprocher de l’Union Européenne. Ainsi, l’impossibilité pour le Parlement de dégager une majorité suffisante en vue d’élire un Président de la République peut sembler être un simple incident de parcours, sans réel effet sur la marche des affaires. On aurait à faire à une simple péripétie technique.

Mais d’un autre point de vue, à la lumière de ce que l’on peut observer des réactions de la population, l’effet de la situation n’est pas loin d’avoir des effets ravageurs.

Ce 18 novembre devait donc avoir lieu une nouvelle tentative de désignation d’un Président de la République … Mais le 14 novembre, date limite du dépôt de candidatures, personne n’avait déclaré vouloir/pouvoir être sur les rangs. On est en droit d’en être surpris. Tout l’été et une partie de l’automne, la classe politique avait tout loisir de sortir une solution.

On pouvait croire qu’elle y était parvenue, avec la défection du bloc Parti des Communistes de 3 personnalités. C’était plutôt inattendu ; le « leader » de l’opération était Igor Dodon, qui pas plus tard que pour les élections municipales du printemps dernier avait été le farouche opposant du maire libéral sortant, Dorin Chirtoaca … Ces deux protagonistes ne s’étaient pas ménagés, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais c’est un des « charmes » de la démocratie : il y a parfois des retournements d’alliances souvent spectaculaires … Encore faut-il que de tels retournements servent à quelque chose …

On pensait en effet que l’arrivée de 3 transfuges auprès de l’Alliance pour l’Intégration Européenne allait permettre d’atteindre les 3/5 de voix fatidiques pour élire un Président …Mais sans doute les 3 transfuges ont-ils chèrement négocié leur soutien à la recherche d’une issue au blocage, tandis qu’un des partis de l’Alliance, et plus particulièrement un de ses membres influents, n’a pas mis entre parenthèse sa réticence à la sortie de crise telle que proposée !

Alors, en conséquence, le poste de Président reste toujours vacant, les juristes cherchant désespérément le moyen de ne pas violer les termes de la constitution malgré le report de scrutin.

On peut se dire qu’après tout l’Etat fonctionne, que ce ne sont là que péripéties qui témoignent d’attitudes parfois infantiles des politiques … Mais c’est faire fi des réactions de la population.

Tout d’abord, l’opinion n’aime pas en général les défections d’un camp pour un autre. Certes, on peut admettre que ce n’est pas le plus important, surtout si cela peut permettre de sortir d’une impasse … Mais quand ce n’est pas le cas comme à l’heure actuelle, alors les critiques peuvent être vives … Mais surtout l’opinion est particulièrement sévère à l’égard des politiques qui révèlent leur impuissance à dépasser des différends qui paraissent liées aux seules ambitions de certains des leurs, voire à des haines personnelles, alors que la situation sociale, économique exige toutes les attentions.

Comment peut réagir la population ? Souvent par des attitudes de découragement qui risquent de se traduire par une diminution massive du nombre de votants lors d’un prochain scrutin et/ou à cette occasion, par un vote largement majoritaire vers le parti qui, à tort ou à raison, a l’image du parti de l’ordre, de la stabilité, de la fermeté … Or quand on sait que par ailleurs les trois partis de l’Alliance se « tirent dans les pattes » un peu trop souvent, on devine quel peut être de le bénéficiaire d’un scrutin qui risquerait d’intervenir prochainement, à savoir le PCRM. 

Cela étant, un sondage récent de l’Institut de Politiques Publiques met certes le PCRM en tête, mais seulement avec 33 % des voix, en baisse par rapport aux élections de novembre 2010 où il avait obtenu 39,3 %, tandis que le PLDM, parti du premier ministre Vlad Filat, glisserait de 29,2 % à 18 %, le PL - grignotant quelques 2 % pour atteindre 12 %, le PDM du président par intérim, Marian Lupu, n’obtenant que 7,8 % au lieu de 12,7 %. Le reste des suffrages se répartirait parmi des partis n’obtenant pas le minimum requis pour siéger au Parlement. On retrouverait donc les mêmes 4 partis qu’à l’heure actuelle, mais la majorité de gouvernement étant entre les seules mains du PCRM. 

Bien sûr, il faut être plus que prudent dans la lecture de sondages d’intentions de votes. Le plus inquiétant et sans doute reflétant assez fidèlement l’état de l’opinion est à observer dans les 87% de la population qui estimeraient que le blocage institutionnel actuel affecte leur vie quotidienne, ainsi que dans les 44 % qui estiment que le PCRM devrait revenir au pouvoir !

Ces données d’enquêtes illustrent le propos de cet article, et nous pourrions ajouter que la situation économique en Europe semble décourager une population qui en conséquence à 45% voudrait que leur pays accède à l’Union Douanière avec la Russie, le Belarus et le Kazakhstan.

Souhaitons que l’Alliance trouve enfin la voie d’une résolution au blocage actuel qui n’a rien d’anecdotique. Il y a urgence : les Moldaves sont fatigués et risquent de traduire cet état de fait d’une façon peu souhaitable. A l’Union Européenne d’y mettre du sien aussi. Ce pays a des atouts qu’il faut savoir reconnaître !

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