J’écris ce texte à l’aéroport. Un endroit préféré pour donner libre cours aux émotions. On pourrait peut-être dire : regarde-là, elle repart une nouvelle fois. Plusieurs d’entre mes amis croient que je mène une vie intéressante, car je visite beaucoup de nouveaux endroits, mais … ils oublient que derrière un sourire peut se cacher quelque chose d’autre que le bonheur.
Quand j’ai quitté la Moldavie, j’y ai laissé ma mère et mon frère cadet. Mon père, il était déjà parti. En fait, beaucoup de belles choses me sont arrivées après, mais, il faut le reconnaître, quand nous partons, notre identité devient confuse et relève beaucoup de points d’interrogation. Or, pour ceux qui ont mon âge et qui n’ont pas quitté le pays dans l’enfance, à l’âge quand n’importe qui s’intègre sans problèmes dans une société étrangère, mais à l’âge adulte, quand la vraie vie ne fait que commencer, l’identité est un sujet sensible. Qui suis-je ? Qu’est-ce que je fais ici ? Où serai-je au bout de quelques ans ? Et mes proches ? Où voudrais-je être ? Ici ? Là-bas ?
Etant des étrangers dans le pays que nous avons choisi, en revenant dans notre pays natal, beaucoup d’entre nous se sentent aussi comme des étrangers. Au bout de 5 ans de vie à l’étranger, un des plus difficiles défis pour moi est lié à la notion de « chez moi ». Lorsque j’étais étudiante en première année, j’ai reçu un jour un message de la part d’une cousine. J’étais à la bibliothèque. Je lui ai répondu qu’on pourrait se parler un peu plus tard, quand je serai « chez moi ». « Chez toi ??? Chez toi, c’est en Moldavie ! », m’a-t-elle répondu. Sans doute, elle ne s’est pas aperçue à quel point sa réplique m’avait décontenancée …
C’est vrai que l’appartement que je louais n’était pas pour moi un véritable « chez moi », mais il aurait été ridicule que je lui écrive : « On se parlera plus tard, quand je serai dans l’appartement où je vis ». Or, le mal du pays, d’un côté, et le sentiment d’être un étranger dans ta patrie, d’autre côté, rongent très douloureusement. Il y a des moments quand nous-mêmes, nous ne savons pas quoi faire encore pour être heureux. Parce que nous sommes jeunes ! Et nous aimerions vivre dans notre pays, près de nos proches, dans un pays où les connaissances sont appréciées, où il ne faut pas graisser la patte au médecin pour qu’il te traite de façon adéquate, un pays où c’est moi qui décide au sujet de mon avenir, pas ceux qu’on fait venir dans un bus au bureau de vote et qui ne réalisent pas où ils sont venus …
Pourquoi je dis tout cela ? Probablement, beaucoup d’entre nous ont une belle vie dans le pays étranger où ils sont maintenant, mais la joie des opportunités qui nous y sont données est très souvent accompagnée par le triste regret de l’impossibilité d’avoir les mêmes opportunités dans la patrie, le regret de vivre bien ailleurs, pas « chez moi ».
… la Moldavie fait partie de moi, comme de beaucoup d’autres Moldaves qui ont choisi de partir. Nous n’oublions pas d’où nous venons et, aux côtés de ceux qui sont restés, nous nous efforcerons de faire les choses changer.
Des réflexions de Diana FRUMOSU, Italie
Texte repris sur le portail https://www.zdg.md/editia-print/social/despre-acasa
Traduit pour www.moldavie.fr
Le 22 juin 2017