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Un cercueil dans le grenier et une « dot pour la mort » dans le coffre : les vieux de Moldavie préparent leurs propres obsèques de leur vivant

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Pressés par la pauvreté et par l’incertitude du lendemain, les vieux de Moldavie se préoccupent à l’avance de leurs propres funérailles, ils préparent des offrandes, tout soucieux d’être prêts pour la cérémonie. Des serviettes, des couvertures et des plaids, certains datant de la période soviétique, de la vaisselle, des oreillers et même des tapis, tout est bien gardé dans la pièce principale de la maison, la Casa Mare.

Les sœurs Lozovanu du village de Suruceni, district d’Ialoveni, nous ont raconté comment elles avaient commencé à acquérir des objets requis, selon les rites orthodoxes, pour leur dernier chemin, quand « Dieu les appellera vers Lui ».

Maigre et portant des habits miteux ainsi qu’un fichu rose, Matroana Lozovanu (83 ans) confie que lorsqu’elle était plus jeune, elle a acheté quelques serviettes pour en faire des offrandes. Blanches, ornées de fils dorés et de dentelle traditionnelle, elles reposent dans un carton avec quelques couvertures dont les étiquettes datent de 1983. « Quand j’étais jeune, je faisais de la dentelle que je garde encore. Ces serviettes ont environ soixante ans et elles sont bonnes pour les ponts », raconte la vieille. (NDT : Selon la tradition orthodoxe, chemin faisant vers le cimetière, le cortège funèbre fait plusieurs arrêts symbolisant les « douanes » que le mort devra passer avant d’arriver dans l’autre monde. Quand le cortège se remet en route, le cercueil passe au-dessus de plusieurs « ponts », il s’agit d’offrandes qu’on met directement par terre et qu’on donne ensuite.)

Ayant connu la guerre et la famine, cette femme sait que l’unique soutien qu’elle a est sa sœur dont elle ne s’est jamais séparée. Anna Lozovanu (79 ans) ajoute qu’elle a connu des périodes très difficiles dans sa vie. A présent, les deux sœurs se débrouillent mieux, elles arrivent même à gérer leurs petits revenus mensuels de façon à faire des économies pour les funérailles. « J’ai une pension de retraite de 740 Lei (environ 50 €), tandis que ma sœur ne touche qu’une centaine de Lei (à peu près 7 €). Nous ne pouvons pas économiser beaucoup. Mais nous espérons que Dieu nous laissera encore sur terre », raconte Anna, après quoi elle étale avec fierté la « dot pour la mort » qu’elle a constituée.

Des offrandes datant de l’époque de l’Union Soviétique

Une boîte de carton, gît, comme si elle était punie, juste dans le coin de la pièce, tout près d’une icône. Des plaids anciens, vert foncé, sont entassés dans une couverture jaunie pour les protéger contre les mites. « Je les ai achetés quand je travaillais dans le kolkhoze. Ils coûtaient 13 roubles et 20 kopecks chacun », se souvient encore la femme avec nostalgie.

Les vieilles parlent sereinement du chemin sans retour qui les attend. Elles sont contentes que les serviettes et les plaids soviétiques aient toujours l’air neuf. « A cette époque-là, on faisait des choses de qualité. Même si tout ça reste encore en carton quelques années, ils auront l’air aussi bien », affirme Matroana. Les femmes conservent également un tapis de style persan, qui, suivant les traditions, est offert quand on sort le défunt de sa maison. Les deux sœurs disent qu’elles n’ont pas encore tout ce qui est nécessaire pour respecter l’ensemble des rites funéraires. « Si l’une de nous décède, l’autre achètera ce qu’il faut pour se préparer au pire », explique Matroana Lozovanu.

Préparer ses propres funérailles est une vieille tradition moldave encore pratiquée, plutôt à la campagne. Chacun collecte des offrandes selon ses moyens financiers.

« Je sais que certaines personnes âgées achètent même leur cercueil. Elles le gardent dans le grenier, mais en été il faut l’aérer pour le faire sécher au soleil », dit le prêtre Petru du village nommé Ulmu.

Des rites datant de plusieurs siècles

Selon certains ethnologues, cela fait très longtemps que dès que les gens atteignent la soixantaine ils se mettent à collecter des offrandes pour les funérailles, on les appelle « la dot pour la mort ».

Les funérailles ont une place très importante dans les traditions populaires. « Si l’on veut connaître un peuple, il ne faut pas se limiter à étudier les traditions du mariage, par exemple, mais il faut se pencher sur celles des funérailles", dit Varvara Buzila, présidente de la Société d’Ethnologie.

Casser une tasse : une tradition païenne

Certaines traditions populaires sont contestées par l’Eglise, comme celle qui consiste à mettre de l’argent sur le corps du défunt.

Une autre tradition pratiquée pendant les funérailles est de casser une tasse ou un autre récipient au moment où on sort le défunt de la maison. Mais selon les représentants de la religion orthodoxe, ce rite a une origine païenne.

La Moldavie, un pays traditionnaliste

Partout en Moldavie, on respecte encore la coutume d’offrir ce qu’on appelle « l’arbre de vie ». Il s’agit d’un rameau d’arbre (généralement pommier ou prunier) auquel on attache des bonbons, des fruits, un morceau de toile, un cierge et des allumettes. Mais la tradition a évolué et l’arbre de vie devient de plus en plus décoré de dons. On garde aussi la coutume d’offrir une poule au prêtre quand on est près du tombeau. « A la différence de beaucoup de pays, la Moldavie reste traditionnaliste. Les traditions de mariage, de baptême, du nouvel an, tout comme celles des funérailles sont encore assez bien respectées », constate l’ethnologue Varvara Buzila.

« Les rites liés au culte des défunts sont très conservateurs et ne changent presque pas », ajoute Varvara Buzila. Certaines femmes ramassent toute leur vie les cheveux qui restent dans leur peigne afin d’en faire un oreiller qu’on mettra sous leur tête dans le cercueil, pour qu’elles passent confortablement dans l’autre monde.

Article repris sur http://www.adevarul.ro/moldova

Traduit pour www.moldavie.fr

Relecture - Didier Corne Demajaux.

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