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Son Excellence, l’Ambassadeur de la République Française en Moldavie, Monsieur Pierre Andrieu : Des problèmes existent, mais ils motivent à agir

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Le mois de juillet est, par définition, le mois de la France. Ce fait est peut-être dû à la célèbre prise de la Bastille qui a transformé le 14 juillet de l’an 1789 dans la Fête Nationale d’une des plus grandes puissances de l’Europe. Ou, peut-être, ceci s’explique par le fait qu’en plein été les gens pensent aux vacances et à Paris. Comment la Moldavie est-t-elle vue de Paris ? Lisez l’interview ci-dessous pour l’apprendre.

Pierre Andrieu, ambassadeur de France

Né le 5 juin 1953, il est licencié en lettres (langue chinoise). Conseiller aux Affaires étrangères (Orient) de classe exceptionnelle. Il fait partie du service diplomatique français depuis l’an 1980, ayant accompli diverses fonctions au sein des ambassades de Sophie, Stockholm, Kathmandu, Helsinki, Moscou. Pendant la période 2003-2006, il a été ambassadeur à Douchanbé. Il parle l’anglais, le chinois et le russe. Il est Chevalier de l’Ordre National du Mérite.

- Excellence, je voudrais avant tout vous saluer à Chişinău et vous demander si vous avez réussi à faire quelque chose depuis que vous êtes ici en qualité d’ambassadeur ?

  • Je suis en Moldavie depuis presque quatre mois - j’ai été désigné dans cette fonction le 3 avril dernier et un mois après j’ai remis mes lettres de créance. Depuis, j’ai fait de mon mieux pour connaître la Moldavie et les gens d’ici. Je suis allé plusieurs fois dans la province - j’ai été à Bălţi, à Rezina, où se trouve la fabrique de ciment « Lafarge », qui est une entreprise à capital français. Une réalisation importante est la création du Club francophone d’affaires qui se propose de réunir les efforts des investisseurs français d’ici, de les soutenir et, de cette façon, d’encourager des autres hommes d’affaires à investir en Moldavie. La première réunion du Club a déjà eu lieu - il y a eu 15 représentants des entreprises qui ont investi en Moldavie. Le vice-ministre de l’économie, Viorel Melnic, présent à la réunion, s’est montré très ouvert à la collaboration. Nous avons l’intention d’organiser régulièrement des réunions du Club d’affaires et nous espérons qu’elles soient fructueuses.
  • Nos journalistes disent que si l’on passe en Moldavie trois jours, on a l’impression d’y avoir tout compris, mais si on y passe trois mois, alors on constate qu’on n’y a rien compris. Qu’est-ce que vous avez réussi à comprendre concernant la Moldavie ?
  • Je ne sais pas si je suis d’accord avec cette affirmation, mais, certainement, je n’ai pas encore tout compris concernant votre pays. Ce dont je suis certain, c’est que je suis en train de le connaître.
  • La France est conçue comme le promoteur du français dans le monde. Quelles sont les perspectives de la francophonie, vu que dans des pays comme la Moldavie, où le français était enseigné par tradition, on tend à apprendre plutôt l’anglais ?
  • La francophonie est une union de pays qui partagent les mêmes valeurs - avant tout, la langue française, car le français n’appartient pas exclusivement à la France. A part cela, il s’agit d’une aire de civilisation, de culture, ainsi que, également, de valeurs - de la démocratie, de la bonne gouvernance, du développement économique et social. En ce qui concerne la République de Moldavie, je considère qu’elle reste un pays francophone. Le 14 juillet, la Journée Nationale de la France, j’ai remis les diplômes de baccalauréat aux élèves des classes bilingues des lycées de Chişinău, Bălţi et Orhei. Le fait qu’ici plus de la moitié des élèves apprennent le français nous est énormément agréable. A ce sujet, je voudrais faire une remarque. Souvent, le français est perçu seulement comme la langue de la culture et de l’amour. Mais le français est également la langue des valeurs démocratiques, de la science, du développement économique, social et des affaires. C’est une langue moderne.
  • A quel point est réelle l’organisation à Chişinău en 2012 du Sommet de la Francophonie dont on a parlé au Forum France-Moldavie tenu le 7 juillet dernier ? Je vous pose cette question car on est souvent sceptique quant à nos possibilités de faire face à un événement d’une telle ampleur.
  • La décision relative à l’organisation d’un tel Sommet n’appartient pas seulement à la France, mais surtout à l’Organisation Internationale de la Francophonie. J’ai abordé ce sujet à Paris et on m’a dit qu’il est prématuré de parler de Chişinău-2012 comme d’une certitude, car une décision dans ce sens sera prise au cours de 2007-2008. Chişinău est une bonne candidature - ici, il y a des salles de conférences nécessaires, des hôtels - mais pas l’unique.
  • Vous avez parlé du français comme d’une langue des affaires. Croyez-vous que les quelques investisseurs présents ici -il est vrai, de gros investisseurs - sont suffisants ? Comment caractérisez-vous, en général, nos relations au niveau politique, économique, socio-culturel ?
  • Les relations politiques sont excellentes, le dialogue politique étant permanent et en ascension. Il y a deux mois, monsieur Christian Poncelet, Président du Sénat de la République Française, a fait une visite à Chişinău. Pour le mois d’août, est prévue la visité d’un haut dignitaire du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes de la France. Quoique, comme vous le dites, les investisseurs ne soient pas très nombreux, la présence des peu nombreux, mais bons, nous place parmi les premiers en Moldavie. Il y a de grands groupes comme Orange, Lafarge où Société Générale, ainsi que des petites et moyennes entreprises, surtout dans le domaine des communications et agro-alimentaire. Lactalis, par exemple, qui détient le paquet majoritaire de la marque Alba, est un des leaders dans le domaine de la production des laitages. Les banques, la téléphonie mobile, le domaine agro-alimentaire et la production du ciment - ce sont des secteurs importants qui jouissent de la présence du capital français. Mais, certainement, il faut nous élargir. L’ambassade fera de son mieux afin de favoriser l’élargissement.
  • Quel autres projets « français » avez-vous ?
  • Beaucoup de projets sont envisageables, mais il est très important de continuer les projets en déroulement - support pour l’enseignement de la langue française dans les écoles, promotion de la langue française, bourses pour les étudiants moldaves dans les domaines technique, agro-alimentaire, du droit, de l’économie, de la bonne gouvernance. Une place importante est réservée aux actions culturelles. La plus récente en a été « Les nuits pianistiques » - un festival de la musique important en Moldavie, ainsi que dans toute la région. La composante culturelle a une importance vitale dans nos activités, mais nous allons aussi persévérer du point de vue économique.
  • Votre arrivée à Chişinău a coïncidé avec le changement du pouvoir politique à Paris. A quel point va ce fait influencer les relations entre nos états ?
  • Au printemps dernier, la France a traversé deux étapes électorales - les élections du nouveau président et de la nouvelle Assemblé Nationale. Il a fallu du temps pour former la nouvelle équipe de gouvernement, les structures d’administration. Maintenant, le nouveau gouvernement français est en train de définir ses priorités, y compris en ce qui concerne la politique étrangère. Toutefois, je crois que prochainement il y aura des contacts au niveau politique entre la Moldavie et la France. Car, comme je viens de le dire, les relations politiques entre nos pays sont excellentes.
  • A propos, immédiatement après l’élection de monsieur Sarcozy, des gens téléphonaient à notre rédaction pour demander si la France allait continuer à délivrer des visas pour les Moldaves.
  • La France continue, bien sûr, à délivrer des visas. La section consulaire, ouverte en 2005, est très active. En 2006, elle a délivré 3 260 visas et pendant le premier semestre de l’année courante - 1 640 visas. Donc, les affirmations que, après l’élection du Président Sarcozy, la France aurait cessé de délivrer des visas, sont sans fondement. La Moldavie a été et reste un ami de la France.
  • Votre pays a été à la base de ce qu’on appelle à présent l’Europe unie. Ces derniers temps, la République de Moldavie déclare de manière de plus en plus insistante son attachement aux valeurs européennes et sa volonté de s’intégrer dans l’UE. Quelles sont nos chances dans ce sens, à votre avis ?
  • J’ai apprécié les déclarations des responsables politiques moldaves concernant la volonté d’intégration européenne. La récente réunion du Conseil de Coopération UE-RM, qui a évalué la mise en œuvre du Plan d’Actions UE-RM, a constaté du progrès, mais il y a aussi des lacunes. Malheureusement, à présent, lorsqu’on parle d’un éventuel élargissement de l’Union Européenne, il faut tenir compte du fait que les deux derniers élargissements produits en 2004 et 2007 ont transformé l’UE dans un ensemble de 27 pays très différents du point de vue de la culture, de la langue et du niveau de développement économique et social. L’Union Européenne a besoin de temps pour digérer cet élargissement. Voilà pourquoi, les débats qui ont lieu en Europe concernent surtout la prochaine réforme des institutions de l’Union Européenne et la délimitation de ses frontières, moins - son élargissement. Par exemple, on discute intensément au sujet du fait si la Turquie, qui a le statut de pays- candidat, peut devenir membre de l’Union. Les négociations se poursuivent, mais l’opinion publique reste très divisée. Pour des pays comme la Moldavie, l’UE applique la Politique Européenne de Voisinage (PEV).
  • A quel point la PEV est-elle efficiente si elle n’ouvre pas de perspectives d’intégration ? Est-il possible que les gens - dans ce cas, les pays - progressent sans être motivés ?
  • Personnellement, je crois que PEV est une chose bénéfique. Elle encourage et soutient les voisins de l’UE dans leurs efforts de se réformer, de s’ajuster aux normes et à la législation de l’UE. Il ne s’agit pas seulement de support financier qui est assez solide - la Moldavie jouit de la plus importante aide per capita - mais aussi d’assistance destinée à l’ajustement aux normes de l’UE, sans quoi aucune intégration n’est possible. Tous les pays qui ont adhéré ont eu besoin de parcourir un long chemin, pendant plusieurs années, lors desquelles ils ont harmonisé leur législation avec celle européenne, ont augmenté le niveau de leur économie. De ce point de vue, les instruments financiers de la PEV sont très nécessaires. C’est une modalité de soutien et de rapprochement dont bénéficiera la Moldavie aussi. Maintenant, il est important que les autorités de Chişinău puissent collaborer avec celles de Bruxelles.
  • Vous avez parlé du progrès obtenu dans la mise en pratique du Plan d’Actions. Est-ce que ça veut dire que vous n’avez dépisté aucun problème ?
  • Des problèmes existent et c’est une motivation pour agir. La corruption, la réforme judiciaire, la liberté de la presse, la nécessité d’un milieu d’affaires et juridique attractif sont quelques-uns des sujets actuels. Vous avez beaucoup de prémices pour que les hommes d’affaires de l’Occident viennent y investir - par exemple, la population qui a un haut niveau de formation - mais l’infrastructure, les routes laissent à désirer. Je ne crois pas que vous n’êtes suffisamment motivés pour persévérer. La chance européenne de votre pays dépend de toutes les deux parties - tant de la Moldavie que de l’Europe. Mais le caractère européen de la Moldavie est, certainement, incontestable.
  • Merci de l’interview.

Interview par Sorina Ştefârţă, publié dans le journal TIMPUL (http://europa.timpul.md/Article.asp?idIssue=171&idRubric=2092&idArticle=5396)

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