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Dimitri de Kochko, journaliste-réalisateur, président de France-Oural et co-fondateur de l’Union des russophones de France. Septembre 2007

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1) Dimitri de Kochko, vous êtes journaliste. Pouvez-vous nous parler du concept de « russophonie » ?

C’est aujourd’hui un patrimoine commun de plusieurs pays, nations et individus partout dans le monde et dans la plus grande diversité linguistique, ethnique, religieuse et politique. Cela représente plus de 300 millions de personnes, selon des évaluations très modérées de chercheurs russes.

La langue russe est un instrument privilégié de contacts, notamment économiques et commerciaux, entre peuples et individus qui la possèdent. C’est un outil souvent indispensable d’accès à des connaissances et des cultures pour des locuteurs de langues moins parlées et bien sûr un enrichissement pour les autres. C’est aussi, à l’instar d’autres langues comme le français, l’espagnol, l’allemand ou le portugais une garantie concrète d’un développement multipolaire du monde.

Les tensions et conflits qui surgissent dans certains pays de l’ex URSS à propos de l’usage de la langue russe sont ridicules et automutilants pour l’ensemble de la population des pays concernés. Ils deviennent odieux quand pour des raisons de légitimisation politique, des politiciens (souvent issu de l’ancienne nomenklatura) cherchent à surfer sur des sentiments nationalistes en portant atteinte à une liberté fondamentale d’une minorité de population (parfois majoritaires dans certaines régions) avec une dimension affective qui rend les tensions dangereuses.

2) La russophonie est donc détachée de toute ambiguité politique ?

Bien sûr que non. Comme tout patrimoine, la langue russe aiguise des convoitises et appétits.Comme j’ai eu l’occasion de le dire, après l’implosion de l’URSS, des responsables politiques ou bureaucratiques ont dû rechercher une autre légitimité que l’idéologie en vogue jusqu’à la Perestroika pour justifier leur maintien à leur place avec tous les avantages et privilèges qui y étaient liés sans parler des nouvelles possibilités ouvertes par les privatisations. Beaucoup ont joué sur les sentiments nationalistes qui dans le contexte de l’époque avait une audience certaine dans l’opinion. La langue russe s’en est trouvée otage puisque phénomène le plus visible et le plus facile à mettre en évidence. Au dépend le plus souvent des peuples concernés privés parfois de tout un pan de leur propre culture (voulue ou non) et de l’évolution personnelle de millions de personnes. La même langue a été et est quelque fois utilisée dans l’autre sens quand des politiques avancent sur le terrain de la défense des droits de minorités, souvent conséquentes en plus, à user de leur propre langue en se dispensant de tout autre programme de développement politique, social ou économique. Tout celà porte atteinte au développement démocratique des sociétés et à l’assise saine de nations rénovées dans des frontières parfois issues de caprices de l’histoire.

De même, vous trouverez sans doute des gens pour vous dire que la francophonie profite à la France et à son rayonnement dans le monde et que la russophonie risque de profiter au rayonnement mondial de la Russie. C’est possible mais est-ce très gênant ? La francophonie n’a pas été mise en valeur ni utilisée au début au moins par la France mais bel et bien par les nouveaux Etats africains indépendants dans les années soixante. Là aussi il y a donc une « ambiguité politique ». Aujourd’hui le russe sert aux échanges entre la Lituanie et l’Ouzbekistan, voire à leur présence internationale comme le français sert au Burkina Fasso par exemple ou l’espagnol à la Guinée equatoriale. On peut ajouter que la France a mis 200 ans, selon nos cousins Cajuns pour comprendre la francophonie. Souhaitons à la Russie d’être plus rapide ! Pour le moment, le mouvement est lent…

3) Dans ce contexte, que pensez-vous de rassembler les familles russophone et francophone lors d’un Sommet de la Francophonie à Chisinau en 2012 ?

Ma réponse est contenue dans les questions précédentes. Francophonie et russophonie ont des intérêts communs. Elles ont un rôle historique de préservation de cultures et de modes de pensée à mon sens indispensables pour garantir un développement de la pensée humaine dans les acquis de valeurs de tolérance et de diversité auxquelles aspire l’Europe tout entière.

La Moldavie y occupe une place privilégiée pour une telle rencontre et sa pérennisation.

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