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Une vie vécue sous la loupe du KGB

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Nicolae Cazacu est né au mois de mai 1940. Quatre ans plus tard, son père a été envoyé à la guerre et, une année après, sa mère a été arrêtée et déportée en Sibérie. Tous les biens de la famille ont été confisqués, tandis que l’enfant est resté sans abri, jusqu’à ce qu’un couple du village voisin l’ait adopté. Il n’avait que cinq ans à cette époque-là. Il a donc grandi sans savoir qu’il avait en fait d’autres parents. Sa mère est revenue en Moldavie après la mort de Staline. A son arrivée, une partie de son ancienne maison lui a été rendue, puis le reste. En 1955, il a commencé à apprendre à l’école, après quoi il a continué ses études à l’Université Polytechnique de Chisinau. Un jour, en 1964, il est allé déposer des fleurs au monument à Ştefan cel Mare, sans soupçonner qu’il avait été filmé et photographié. Ce fut un moment crucial, avec un impact sur toute sa vie ultérieure.

Nicolae Cazacu

Nicolae Cazacu venait juste de rentrer de l’armée, « en épaulettes et habits militaires, dans le grade de sergent supérieur ». «  Je suis allé rendre hommage à Ştefan cel Mare. Mais, deux semaines plus tard, après les leçons, un monsieur m’a accosté et m’a présenté ses papiers – c’était un major du KGB, dont les initiales étaient V.T. J’ai retenu son nom pour toute ma vie. Il investiguait les actions d’un groupe d’étudiants qui avaient protesté contre le démantèlement du monument et son dislocation. Or, on n’aimait pas l’idée que les monuments à Lénine et à Ştefan cel Mare se trouvent sur la même place. Je lui ai dit que c’était mon devoir patriotique qui m’avait poussé à y aller”, se souvient Nicolae Cazacu.

« On m’a dit que c’était une infraction qui valait un châtiment »

Le major KGB lui a demandé s’il était au courant de la décision du Comité Central qui devait être exécutée. La réponse fut négative. «  Il m’a dit que mon infraction valait un châtiment, comme pour beaucoup d’autres, tout en ajoutant que… j’avais la chance d’éviter le châtiment, si je collaborais avec lui  », se souvient Nicolae Cazacu.

On l’a laissé réfléchir pendant une semaine avant de prendre une décision. « Quand on s’est revus au bout d’une semaine, je lui ai dit : Je n’ai jamais été et je ne peux pas être un traître à mon peuple et à mon pays. Il m’a alors averti qu’il ne me restait qu’à mettre une croix sur ma carrière. Ma réponse a été que j’étais prêt à le faire.  », raconte Nicolae Cazacu.

Grâce à ses résultats académiques et au fait qu’en tant que leader des syndicats des étudiants il avait organisé beaucoup d’actions importantes pour l’institution, après ses études à l’Institut Polytechnique il a reçu, aux côtés d’un de ses collègues, un emploi à l’entreprise de Gosplan de la république (La Commission de Planification d’État - note du traducteur). « En 1969, sur le total de 180 employés de l’entreprise, seulement une vingtaine étaient des Moldaves. En 1978, j’ai commencé à travailler au Ministère des Transports où, sur le total de 55 fonctionnaires, seulement 6 étaient des Moldaves… Je crois que ces chiffres sont assez éloquents. Ultérieurement, partout où j’ai travaillé, chaque fois qu’il s’agissait de ma promotion, le chef me disait : et ta biographie ? Le Comité Central rejetait toute proposition visant à ma promotion. Et ce n’est pas tout !”, affirme Nicolae Cazacu.

« Ceux qui ont eu affaire au KGB, n’échappent plus à son contrôle »

Nicolae Cazacu considère qu’il est toujours soumis aux représailles. « En 2001, j’ai dû « payer » pour mes activités déployées dans le contexte du mouvement de renaissance nationale – on m’a fabriqué un dossier pénal … On m’a incriminé d’avoir extorqué pendant deux ans de l’argent à deux chauffeurs, lorsque j’étais responsable d’une entreprise de transport (fonction que j’ai détenue pendant vingt ans). Le procès a duré un an et demi. J’ai parcouru toutes les instances judiciaires et j’ai été finalement acquitté par manque de preuves. Après, j’ai appelé le Parquet Général en justice et j’ai eu gain de cause. J’avais réclamé 200.000 Lei en guise de réparation du dommage moral et 4.000 - en guise de récompense des frais subis pendant le procès, mais on ne m’a donné que 10.000 et, respectivement, 4000 Lei, sous le prétexte que l’Etat n’a pas d’argent. », raconte Nicolae Cazacu.

«  En fait, ce n’est pas l’argent qui m’intéressait, mais la morale, l’honneur, la dignité. J’ai été injustement calomnié », dit Nicolae Cazacu, tout en ajoutant que « la pression du KGB qui a commencé en ’69 a duré jusqu’en 2009. Voici ce qui se passe avec ceux qui ont eu affaire au KGB - toute leur vie est contrôlée ».

« Avant, je parlais toujours à voix basse. Sur n’importe quel sujet »

Pendant les années de renaissance nationale, Nicolae Cazacu est souvent allé, ensemble avec l’écrivain Ion Druţă, dans les villages pour parler aux gens de la liberté. « Avant, je parlais toujours à voix basse. Sur n’importe quel sujet. », dit-il.

Ce qui l’a toujours inspiré, c’est le penchant pour « la discipline, l’organisation et surtout le fait d’être un exemple pour soi-même et pour les autres. C’est ça la véritable leçon de la vie.  », constate-t-il.

Article de Aliona Ciurcă, repris sur https://www.zdg.md/editia-print/oameni/o-viata-traita-sub-lupa-kgb-ului

Traduit pour www.moldavie.fr

Le 21 mai 2017

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