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Plongée dans la réalité des villages en Moldavie

Article de Gilles Ribardière

Les divers interlocuteurs rencontrés à Chisinau ont tous insistés sur l’état de pauvreté dans leur pays, plus nettement perceptible, selon eux, dans les villages que dans la capitale. J’ai voulu m’en rendre compte craignant qu’ils m’aient quelque peu noirci le tableau !

L’occasion m’en fut donnée un dimanche. C’est le maire du village de Bilicenii Vechi, Alexei Cozma, qui, toute la journée, avec patience, me fit découvrir la réalité de la vie dans sa commune, située à quelques kilomètres de la seconde ville de Moldavie, Balti.

le maire dans son bureau

Le trajet pour y parvenir commença par la recherche d’une voiture. Pour ce faire, il faut se rendre à proximité de la gare routière au centre de Chisinau pour en trouver une. Il suffit de s’adresser au groupe de conducteurs en attente sur le trottoir, l’un d’eux vous indiquant qu’il se rend à la destination souhaitée.

La voiture démarrera une fois chargée de 4 passagers qui règleront alors 75 lei chacun…..sauf que ce matin-là - pas de voiture, mais seulement des minibus qui ne partaient qu’avec 10 clients. Certes, il y a un intérêt dans cette solution : le voyage ne coûte que 50 lei, mais l’attente afin que le minibus soit complet peut s’éterniser. Ce ne fut pas le cas, puisqu’il ne fallut que 30 minutes avant que ne s’ébranle le véhicule. On peut en tout cas considérer le système comme étant tout à fait efficace.

Trajet légèrement mouvementé (une crevaison, qui révéla un état d’usure avancé des pneus), à travers un paysage plutôt ingrat de cultures, semble-t-il assez mal gérées, les bas côtés de la route plus ou moins herbeux servant de pâturage à du bétail isolé.

Eglise de Grigorovca

Alexei Cozma, m’accueillit en premier lieu dans un village voisin du sien, Grigorovca, qui a la particularité d’abriter une forte communauté catholique. D’après mon hôte, il s’agit d’une population venue autrefois de l’ouest de l’Ukraine et de la Pologne. L’église est bien entretenue et la maison du curé, récente, est de bonne construction comparée à celles des voisins. Son occupant est assez jeune, de nationalité roumaine. Il manifeste un bel enthousiasme et au moment de notre brève rencontre s’apprête à officier. Ses paroissiens, âgés dans l’ensemble, mais nombreux, l’attendent en récitant collectivement des prières en russe.

Certes, dans ce village, on perçoit qu’il y a un grand manque de moyens afin d’assurer l’entretien courant de la voirie et des équipements, mais il n’y a nulle trace d’abandon ; les habitants et leurs représentants mettent à coup sûr un point d’honneur à soigner l’aspect de l’environnement dans lequel ils vivent.

Après cette étape qui était le prétexte de me montrer une particularité rare dans la Moldavie essentiellement orthodoxe, la visite de Bilicenii Vechi put être entreprise. Ce village appartient à la mémoire récente du pays. En effet, y est enterré un de ses jeunes habitants, Valentin Andrei Mereniuc, une des trois premières victimes de la guerre de Transnistrie, tué le 13 décembre 1991.

Je me garderais bien d’affirmer que ce village est le prototype du village moldave, mais ses caractéristiques doivent pouvoir se retrouver souvent ailleurs. Certes, comme dans le village précédent, on constate le manque criant de moyens. Mais lui non plus n’apparaît pas misérable du fait notamment de sa parfaite propreté.

Les services tels que écoles, centre culturel, centre médical, s’ils sont modestement équipés, sont impeccablement tenus, ce dont leurs responsables sont, à juste titre, très fiers. Il n’empêche que la vie au quotidien doit se révéler assez difficile, sans perspectives très séduisantes pour les habitants…..

Infrastructures et bâtiments publics ne sont pas en bon état

S’agissant de la chaussée, pas d’asphalte, mais la terre parsemée de trous profonds que les véhicules contournent prudemment. Au moins ne risque-t-on pas les excès de vitesse, et les enfants peuvent y avoir des activités ludiques sans danger.

Toutefois, lorsqu’il pleut, les rues peuvent être transformées en torrents. Quant aux bâtiments publics, ils ont été construits à l’époque soviétique avec des matériaux qui auraient nécessité des mesures d’entretien régulières, ce qui n’a pas été le cas : ainsi les murs s’effritent parfois, les toitures sont plus ou moins rafistolées, les marches d’escaliers sont irrégulières…

Le maire m’indique qu’il peut obtenir des crédits pour effectuer des opérations de réparation depuis le Fonds d’Investissement Social pour la Moldavie (FISM), mais que pour établir un dossier cela prend une année et demie ! Mais à l’instar d’autres de ses collègues, son sens du service à rendre à la population ne le décourage pas face à la lenteur et lourdeur des procédures.

Malgré tout, ces bâtiments publics accueillent des services qui s’attachent à assurer aussi efficacement que possible leur mission.

Ainsi en est-il du centre médical. Il occupe le rez-de-chaussée du même édifice que la mairie située à l’étage. Le matériel médical dont il dispose est assez sommaire, mais ne l’empêche pas de remplir son rôle en recevant chaque jour de la semaine environ 40 patients, en vue d’une consultation de généraliste, d’une vaccination, d’une prise de sang…. Le centre bénéficie de la collaboration de médecins, ce qui n’est pas toujours le cas.

couloir du centre médical

Le centre culturel en revanche m’est apparu mal en point, malgré le soin mis par les responsables pour présenter dans une pièce des témoignages patrimoniaux du passé du village : outils agricoles, costumes confiés par des habitants. En revanche la salle de musique ressemble plus à un entrepôt d’instruments inutilisables qu’à une salle d’apprentissage de l’art des sons !

L’école des petits ainsi que le collège, avec un matériel plutôt ancien mais en bon état, sont parfaitement entretenus. Ainsi, dans l’école des petits (âge limite, 7 ans), les salles sont agréablement décorées, et celle de repos, malgré le nombre important de lits, vraiment soignée.

S’agissant du collège, les salles de classe, lumineuses, ont un mobilier qu’on ne retrouverait certes pas en France, comme en témoigne le modèle de siège, mais qui est parfaitement respecté par les usagers…..

On peut regretter que l’espace de plein air ait tout l’air d’un terrain en friche, et que les toilettes, installées à l’extérieur du bâtiment, soient vraiment rudimentaires. Quant à la cantine, ce sont deux salles identiques aux classes, séparées par la cuisine, dont la relative exiguïté suppose pour la prise des repas un roulement qui ne permet pas aux enfants de s’attarder.

On ne peut que rendre hommage au personnel qui, dans des conditions matérielles assez médiocres, parvient avec dévouement et compétence à transmettre à leurs élèves un bagage de connaissances nécessaires pour affronter tant bien que mal l’avenir.

Mais il y a 20 ans les enfants en âge d’être scolarisés étaient un millier ; ils ne sont plus que 300 aujourd’hui, ce qui illustre bien le processus de dépeuplement subi par la Moldavie, et que prennent de plein fouet plus particulièrement des villages comme Bilicenii Vechi. Ainsi, il y a 10 ans, 4000 personnes y habitaient ; elles ne sont plus que 3400, et sans doute moins car sont comptabilisés une partie des expatriés.

Il faut dire que les conditions de vie au quotidien semblent difficiles

Pourtant la situation de Bilicenii Vechi peut être considérée comme relativement privilégiée. En effet, la route qui conduit directement à Balti (environ 120 000 habitants, 15 km), longe le village, ce qui permet les arrêts des transports en commun qui relient la grande ville au chef lieu de district, Sîngerei, qui n’est éloigné que de moins de 5 km.

Mais les commerces sont restreints : deux magasins d’alimentation, un d’état, peu engageant, l’autre privé, plus séduisant, avec possibilité de consommer sur place et qui témoigne d’un esprit d’initiative et d’optimisme quant au futur du village.

Quant aux maisons individuelles, elles sont en mauvais état, y compris celles construites autrefois pour les fonctionnaires. C’est le cas du logement du maire, qui fut aussi directeur du collège. Il en est à présent propriétaire, ce qui ne m’a pas semblé très enviable compte tenu de l’état des menuiseries, de l’humidité persistante que l’on ressent dans les pièces et des toilettes au fond du jardin.

Il n’est pas plus favorisé que ses administrés, dont les modestes demeures ne vont être alimentées par le gaz que cette année, et qui sont entourées d’un jardin qui leur fournit une grande part de la nourriture quotidienne.

Voilà bien un tableau qui permet de comprendre ce que pauvreté veut dire dans un village de Moldavie qu’une partie de ses habitants, lorsqu’ils le peuvent, cherchent à quitter, malgré l’attachement qu’ils ont pour un lieu où s’est inscrite l’histoire de leur famille. Mais pour ceux qui restent, il y a la volonté de ne pas considérer la faiblesse des moyens comme une fatalité car il y l’espoir d’une évolution plus positive.

De cette rapide plongée dans un village de Moldavie, je voudrais dresser une liste de ce qui me semble pouvoir être vérifié dans les autres villages de ce pays.

  • Des départs en nombre, avec une diminution dramatique de la part de jeunes.
  • Souci de maintenir en faveur des jeunes encore présents un système éducatif de qualité dans des établissements extrêmement bien entretenus.
  • Propreté remarquable de tous les services publics.
  • Manque de moyens financiers pour l’entretien des équipements et des infrastructures, mais volonté de les rendre aussi correctement utilisables que possible.
  • Matériels anciens mais respectés par les usagers.
  • Pauvreté, donc, mais souci de ne pas baisser les bras de la part de ceux qui restent.

Ainsi ai-je eu la confirmation du courage et du dévouement de nombreuses personnalités, qui sont disponibles pour contribuer à la revitalisation d’une partie des villages de Moldavie si au moins on leur en donne les moyens. C’est ce qu’il faut souhaiter dans les meilleurs délais.

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