Constantin Cojan du village moldave de Colibași est un des rares artisans de Moldavie qui confectionne des manteaux et des chapeaux en peau d’agneau. Il a appris son métier de son père, Stelian Cojan, qui, à son tour, l’avait appris dans la ville roumaine de Galați, en 1934. Son maître lui avait offert une moule à chapeaux que Constantin utilise aujourd’hui encore. L’artisan de Colibași fabrique des chapeaux suivant la technique apprise par son père il y a 80 ans. Seule la méthode de traitement de la peau a changé pour permettre le lavage en machine des chapeaux.

Aujourd’hui, on entend des voix dire que le chapeau traditionnel en peau d’agneau s’est démodé et a perdu sa popularité. Cette opinion n’est pas du tout partagée par Constantin : « J’ai participé aux foires tenues à Chișinău à diverses occasions – le Jour de l’Indépendance, la Fête du Vin, la Fête de la Ville – et il y a eu toujours une grande demande de chapeaux. J’ai l’impression que la nation se réveille ».
D’autre part, selon l’artisane Valentina Guțu du village de Gordineștii Noi, ce sont surtout les étrangers et les membres des troupes artistiques qui achètent des chapeaux en peau d’agneau. Malgré la tendance de remettre en usage les éléments du costume traditionnel, les chapeaux sont moins demandés que d’autres pièces et accessoires.
« J’ai participé à beaucoup de foires. Les visiteurs s’arrêtaient devant les chapeaux, certains les essayaient, se regardaient dans le miroir. Mais on en achète surtout pour les spectacles folkloriques, à l’occasion des fêtes d’hiver », constate Valentina Guțu.

Les écrivains moldaves sont toujours restés fidèles à la tradition de porter des chapeaux en peau d’agneau en hiver. Il semble que c’était plus qu’une tendance de la mode chez les intellectuels. Selon l’écrivain Ion Mânăscurtă, « porter un chapeau traditionnel en peau d’agneau pendant l’époque soviétique voulait dire montrer son origine, mais aussi défier les canailles qui tentaient de profaner nos racines.
D’autre part, porter un chapeau traditionnel impliquait certains risques. Premièrement, le risque de se le faire voler, car il coûtait assez cher : 70-100 roubles, soit presqu’un salaire. Deuxièmement, on risquait d’être agressé par des brutes qui méprisaient la nation moldave ».
Des personnalités qui avaient des noms sonores dans la littérature moldave - Vasile Coroban, Valentin Mândâcanu, Liviu Damian, Ion Gheorghiță, Aurel Scobioală et d’autres – s’obstinaient à porter avec fierté un chapeau en peau d’agneau.

« Nous étions visibles grâce à nos chapeaux monumentaux. Je me souviens d’un cas – on était à Moscou, avec Aurel Scobioala, et on a entendu un jour un commentaire qui nous concernait : « Regarde, des boyards moldaves sont sortis se promener », se souvient Ion Mânăscurtă.
L’écrivain Vladimir Beșleagă porte, de nos jours encore, un chapeau en peau d’agneau. Il se souvient qu’en effet, pendant les années 60-70 du siècle passé, lorsqu’on promouvait l’idée du peuple soviétique, en annihilant les traditions populaires, le chapeau était un moyen de manifester la dignité nationale.
« Je pense qu’un élément du costume traditionnel ne se démode jamais. Donc, que ceux qui n’ont pas de chapeau s’en achètent un ! », appelle Vladimir Beșleagă.
D’après un article d’Ion Macovei publié sur https://www.timpul.md/articol/caciula-de-miel-un-simbol-al-rezistenei-impotriva-regimului-sovieticc-53041.html
Le 29 décembre 2021