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Cinq fois femme

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Leonora Dmitriev

Elle a mis au monde, élevé et éduqué cinq garçons. La plupart du temps, à côté de son rôle de mère, elle a aussi dû jouer le rôle du père. Son premier époux est décédé, le second est parti de Moldavie effrayé par le conflit de Transnistrie. A 42 ans, elle est restée toute seule avec cinq fils à sa charge, tous mineurs… Voici l’histoire de Leonora Dmitriev du village de Izbiste, district de Criuleni.

Elle a vécu en Russie avec son premier mari ; à la suite de son décès, elle est rentrée, avec ses deux fils, en Moldavie et s’est remariée avec un Ukrainien avec qui elle a eu trois autres enfants. En 1992, ce dernier les a quitté, effrayé par le conflit de Transnistrie et alarmé par les rumeurs de rattachement de la Moldavie à la Roumanie. Il a laissé Leonora, qui est alors devenue seule avec cinq enfants mineurs. Même si l’aîné n’avait alors que 14 ans, elle n’a pas désespéré. Elle a fait face aux pièges de la vie et a prouvé à ceux qui ne croyaient pas en elle qu’elle était capable de se débrouiller.

Elle a été la mère, mais a joué aussi le rôle de père auprès de ses enfants. C’est seulement pour eux qu’elle a travaillé, pour ses cinq fils : Andrei, Vasile, Maxim, Alexandru et Sergiu. « Je travaillais, tandis que les enfants étaient au jardin d’enfants ou à l’école. On n’a jamais eu assez d’argent. A l’époque, les élèves devaient porter des uniformes scolaires alors mes enfants portaient un uniforme à tour de rôle – les plus petits après les plus grands. Je ne pouvais pas me permettre d’acheter des habits neufs pour tous. Eux, ils me comprenaient ».

Chaque fois quand Leonora demandait de l’aide aux autorités locales, les fonctionnaires haussaient les épaules. « Je ne recevais aucune aide. Quand mes fils allaient à l’école, j’ai quelques fois demandé de l’aide, mais de j’en ai jamais reçu. On me disait que je ne vivais pas mal, mais les fonctionnaires ne savaient pas que je me levais à l’aube et je travaillais jusqu’aux crépuscules pour ne pas vivre mal ».

Même si sa famille vivait mieux que beaucoup d’autres, car elle a toujours su faire face aux difficultés, l’argent qu’elle touchait en travaillant au jardin d’enfants ne lui suffisait pas. C’est pour cette raison qu’elle s’est vue contrainte de diversifier ses ressources. Afin de résister et d’avoir de quoi nourrir ses enfants, elle a commencé à faire de l’élevage, ce qui est, aujourd’hui encore, sa principale source d’existence.

Moscou—Chişinău

Une fois grands, les enfants ont quitté le village et sont tous allés continuer leurs études à Chişinău. Leur mère qui est restée à la maison était leur principal et unique soutien. Plus tard, un de ses fils est parti travailler à Moscou, tandis que les autres s’efforçaient à s’établir à Chişinău. « Ils viennent me voir quand ils peuvent. Un d’entre eux est encore étudiant et il faut que je l’aide. Je ne suis pas encore arrivée à ce que mes enfants m’aident mais je ne leur demande rien. S’ils peuvent me donner quelque chose – c’est bien, sinon – c’est aussi bien. Tout ce que je fais dans cette vie, c’est pour eux ». Sa pension de retraite est dérisoire. Elle touche mensuellement 590 lei (environ 35 euros). « Avec cet argent, je dois payer mes factures pour l’énergie, le téléphone, … et je dois vivre tout un mois ». Elle a fait les noces d’un fils, et elle aura à en faire encore quatre. « L’argent que les jeunes mariés ont gagné à leur mariage nous a servi à rembourser les dettes ».

Toute seule à la vieillesse

La vie lui a donné assez de leçons. A son tour, elle a appris à ses fils à être corrects et à ne pas se préoccuper seulement de l’argent. « Tout le monde veut de l’argent… mais être riche n’est pas la plus importante des choses. Je dis à mes enfants : ne soyez pas victimes de l’argent. Vivez avec ce que vous avez et contentez-vous de ce que vous avez. Il vaut mieux mener une vie modeste que faire fortune et tomber malade ».

Bien que beaucoup de jeunes quittent la Moldavie car ils ne peuvent pas y construire leur vie, Leonora conseille à ses fils de rester dans leur pays. « Quand tu es jeune, tu vas où tu veux, tu gagnes de l’argent… tu en es content, mais les années passent, et à 40 ans, quand tu voudras rentrer, personne ne t’embauchera… »

Elle dit à son fils qui est étudiant au Collège de médecine de ne pas apprendre juste pour obtenir de bonnes notes. « Il me dit que certains de ses collègues graissent la patte aux profs pour avoir de bonnes notes. Moi, je lui dis que les notes ce n’est pas le plus important. Il ne faut pas apprendre pour des notes. C’est quand on travaille qu’on voit vraiment les résultats des études », affirme Leonora qui vient d’atteindre l’âge de 60 ans.

A cet âge - que certains considèrent comme l’âge de la vieillesse et du repos -, Leonora Dmitriev continue de travailler comme dans sa jeunesse. Elle a encore à sa charge la maison, le bétail et l’exploitation de la terre. Elle croit que c’est par le travail que l’on existe. Maintenant, elle est toute seule la plupart du temps. Ses fils lui rendent visite de temps en temps car chacun vit sa vie. Il n’y a que deux petits chiens qui la suivent partout et la défendent quand il le faut…

Article par Victor MOŞNEAG publié sur http://www.zdg.md

Relecture – Philippe Le Borgne.

Traduit pour www.moldavie.fr

Le 22 novembre 2010

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