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Retour sur le débat au Sénat relatif à la ratification de l’accord d’association entre l’UE et la Moldavie

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Article de Gilles Ribardière

Nous informions il y a quelques jours brièvement nos lecteurs du débat qui s’est déroulé le 3 mars au Sénat, consacré à la loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union Européenne et la République de Moldavie. La qualité des échanges, l’enjeu aussi, justifient que nous y revenions.

Gilles Ribardière

L’ensemble des orateurs n’a pas manqué de souligner que la signature de cet accord se situait dans un contexte hautement délicat, compte tenu des événements dans l’Ukraine voisine, et la situation non résolue de la Transnistrie.

Outre ce contexte, c’est la fragilité de la situation politique interne qui a pu être pointée par certains, rendant problématique en particulier la lutte contre la corruption.

Une réelle qualité dans les échanges

Les sénateurs avaient décidé de faire de ce point d’ordre du jour un moment important. Ce ne fut donc pas une adoption à la va vite, mais une adoption suite à un réel débat d’une durée dépassant l’heure.

Le vote fut unanimement positif, mise à part l’abstention du groupe communiste. Mais tous les groupes avancèrent des analyses tout à fait comparables sur les insuffisances dans la lutte contre la corruption et la criminalité, malgré d’indéniables progrès, sur la fragilité du nouveau gouvernement, minoritaire, sur la situation économique difficile.

Tous les groupes ont aussi souligné combien il fallait être prudent vis à vis de la Russie, en se gardant de toute attitude provocatrice ; d’où l’affirmation claire selon laquelle une adhésion à l’OTAN était hors de question.

Propos prudents aussi quant à une perspective d’adhésion à l’UE, même si la rapportrice, Madame Josette Durrieu, a souhaité dire qu’à titre personnel elle estimait « qu’il serait extrêmement regrettable que nous n’envisagions pas un jour que la Moldavie puisse adhérer à l’Union Européenne ». Qu’il me soit du reste permis de rappeler que, sur ce point, au moins 500 000 Moldaves se considèrent membres de l’UE suite à l’obtention d’un passeport roumain !

Un contexte géopolitique explosif

Il est évident que la situation en Ukraine ne pouvait qu’être abordée de manière insistante par les orateurs, d’autant plus que la question de l’avenir de la Transnistrie reste toujours d’actualité. Mais les intentions de la Russie sur ce territoire demeurent mystérieuses comme en témoigne sa décision surprenante de ne pas apporter l’aide attendue par Tiraspol de 100 millions $, ce qui devrait avoir pour effet d’accentuer la situation de crise déjà très grave dans cette région !

Il a été souligné par certains orateurs que la Gagaouzie, malgré son poids démographique faible (4,5% de la population) constituait aussi un problème délicat, compte tenu de son attirance militante vers la Russie. On vient d’avoir confirmation de ce fait à travers un sondage précédant le scrutin qui doit désigner le 22 mars le leader de la région autonome (le Bashkan) : ainsi 40 % des électeurs porteraient leur voix en faveur du candidat du Parti Socialiste - parti qui lors des législatives de novembre 2014 avait fait campagne sous l’égide de Vladimir Poutine. Autre indication : seulement 5% des personnes sondées seraient en faveur d’un rapprochement avec l’UE, contre 90 % en faveur de la Russie.

Une situation politique interne fragile

Les sénateurs n’ont pas manqué de manifester leur perplexité devant la désignation d’un gouvernement minoritaire.

Certes, le soutien, sans participation, du Parti des Communistes permet de croire que l’orientation pro-européenne demeure d’actualité, car l’amorce du rapprochement avec l’UE s’est faite sous la responsabilité du leader du PCRM, Vladimir Voronine, alors qu’il était Président de la République, ainsi que l’a rappelé Madame Durrieu. Mais tous les ingrédients d’une crise politique sont là, comme en témoigne la position de Iurie Leanca, Premier ministre sortant qui vient de démissionner du Parti Libéral-Démocrate (PLDM), marquant ainsi son désaccord avec la ligne de Vladimir Filat, selon lui trop arrangeante avec le système de corruption dominant dans le pays.

Or, justement, les sénateurs ont insisté avec vigueur sur la nécessité de lutter efficacement contre ce fléau, et à cet égard il est intéressant de rapprocher ces propos avec ceux d’une dizaine d’ambassadeurs réunis le 5 mars dernier autour du nouveau Premier ministre, Chiril Gaburici : avec la plus grande fermeté, ces ambassadeurs ont insisté sur l’obligation qu’avait la Moldavie de lutter contre la corruption endémique qui ronge l’état à tous les niveaux.

Cet accord est une étape et non un aboutissement. Il intervient dans un contexte hautement délicat, aussi bien au plan international, qu’au plan interne. La formation du nouveau gouvernement pose question et la volonté d’éradiquer la corruption n’est peut-être pas clairement au rendez-vous. Les sénateurs n’ont pas manqué de s’en inquiéter, tout en notant que la Moldavie, de tous les pays du partenariat oriental, avait le plus progressé pour se rapprocher des normes européennes. Les orateurs, enfin, auront plaidé pour une relation UE-Moldavie qui ne se fasse pas contre la Russie, mais qui reste équilibrée ; retenons sur ce point ce propos de Madame Durrieu « Il reste que la Moldavie, de par sa position stratégique, doit être stabilisée, dans l’intérêt de l’Europe et des pays voisins ».

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