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Elections en Moldavie

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Article de Gilles Ribardière

Gilles Ribardière

Pour un observateur occidental, s’il est un sujet délicat à commenter, c’est bien le résultat des élections en République de Moldavie du 30 novembre 2014.Or, à bien des égards, il est le reflet des incertitudes de notre continent, avec la difficulté de mesurer les conséquences des relations tendues entre le pouvoir de Vladimir Poutine et l’UE. Il est aussi la conséquence d’une approche trop prudente de l’UE en vue d’accompagner le processus démocratique de la Moldavie. Mais il est aussi la conséquence des insuffisances des politiques de la majorité sortante en faveur de la population.

Le résultat de ces élections est à la fois surprenant et attendu. Ce qui est surprenant, c’est l’effondrement du Parti des Communistes (PCRM) qui perd plus de 20 points par rapport à son résultat de 2010 (17,48% au lieu de 39,3%). Certes, les sondages donnaient des résultats alarmants (on tournait autour de 20%), mais avec raison on pouvait s’en méfier comme en témoigne l’écart entre les prévisions concernant le Parti Socialiste (PSRM) - de 5 et 7 % - et la réalité du scrutin : 20,51% !.. Bien sûr, au moment des sondages « Patria » était encore en piste avec, estimait-on, 8% … Mais même dans l’hypothèse où toutes les voix potentielles de ce nouveau parti se soient reportées sur le PSRM – ce qui semble avoir été le cas d’après les observateurs – on atteindrait à la lecture des sondages au mieux 15%, et non pas 20,51% . Autrement-dit, on doit reconnaître que le score du PCRM est une surprise, une population russophone autrefois encline à voter pour le PCRM estimant que l’affichage net d’un lien indéfectible avec la Russie de Poutine était plus prometteur que les positions réputées plus équilibrées – ambiguës diraient certains – du PCRM de Vladimir Voronin.

Ce qui ne doit pas surprendre en revanche c’est la coupure en deux du pays - les uns tournés vers la Russie, les autres vers l’UE, mais avec plus de 40% d’abstentionnistes dont il est difficile de savoir de quel côté ils pencheraient. Ce qui ne doit pas surprendre non plus, c’est le recul très net du Parti Libéral-Démocratique de Moldavie (PLDM), victime sans doute de son leadership dans l’Alliance pour l’Intégration Européenne, ses premiers ministres successifs appartenant à cette formation. Par rapport à 2010, le recul est de 9 points (on passe de 29,4 à 20,16%). Certes, à l’actif de ce gouvernement il y la signature de l’Accord d’Association avec l’UE ; il y a des progrès indéniables en matière de libertés publiques ; ici et là on constate de meilleurs infrastructures ; mais la situation sociale est en deçà de ce que la population espérait ; les échanges avec l’UE n’ont pas encore porté suffisamment leur fruit . Reste aussi que la corruption est loin d’être éradiquée. Bref, tous ces facteurs ont pour conséquence ces résultats décevants pour la majorité sortante. Des composantes de cette majorité, le Parti Libéral ( PL) maintient ses positions (9,6% au lieu de 10%) et seul le Parti Démocratique (PDM) de Marian Lupu progresse légèrement par rapport à 2010, avec 15,8% des voix, au lieu de 12,7%, malgré la présence du controversé Vladimir Plahotniuc qui détient de multiples intérêts économiques dans le pays, y compris dans le domaine de l’audio-visuel. C’est du reste une relative constante du fonctionnement politique de la Moldavie, à savoir une étroite collusion entre action politique et gestion d’intérêts privés.

S’il faut chercher un vainqueur dans ces élections, certains observateurs affirment que c’est Vladimir Poutine, dont la photo était omniprésente dans la propagande du PSRM. Pour d’autres, ce serait Vladimir Plahotniuc qui serait en position de force pour imposer ses vues à la majorité sortante, en voie d’être reconduite, au profit sans doute pour une part de ses propres intérêts.

Quoiqu’il en soit, le défi pour les trois partis composant la majorité au Parlement (55 sièges sur 101) sera la recherche de cohésion et la pérennité de cette majorité ne pourra reposer que sur des résultats concrets obtenus dans ses actions en faveur de la population, dans sa capacité à répondre par des mesures adéquates aux velléités séparatistes de la Gagaouzie. Il y a par ailleurs la perspective de l’élection présidentielle à venir, le mandat du Président actuel, Nicolae Timofti, venant à échéance dans un an et trois mois. La voie parlementaire inscrite dans la constitution impose une majorité de 61 voix ; on en est loin et on risque une crise, comme dans le passé, qui dure des mois. Toutefois l’ensemble de la classe politique semble conscient de la nécessité de modifier les règles du jeu … Mais les uns et les autres, avec quelles arrières pensées ?

Même Igor Dodon propose de rechercher un accord avec la majorité pour instituer le système de désignation par le peuple du Président de la République. Il y voit sans doute une chance qu’un des siens (lui-même ?) soit le bénéficiaire d’un tel mode de scrutin, surtout qu’il apparaîtrait comme celui ayant évité une nouvelle crise institutionnelle au pays étant donné son poids politique nouvellement acquis. Il sait par ailleurs pouvoir bénéficier du parrainage de Vladimir Poutine, ainsi que des effets de la propagande diffusée à travers les canaux télévisuels russes très présents en Moldavie, si présents que d’aucuns en demandent l’interdiction sur le territoire ! Il faut dire que certains attribuent à la force de cette propagande le résultat obtenu par le parti de Igor Dodon.

On le voit, les défis que doit affronter la majorité affaiblie sortie des urnes ce 30 novembre sont considérables. L’avertissement a été plutôt violent ; le réveil dans 4 ans risque d’être encore plus douloureux si les parties prenantes ne s’attellent pas avec force aux réformes indispensables et si l’UE reste trop en marge des efforts que le gouvernement souhaiterait prendre.

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