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« Il est important que la Moldavie ait un message clair sur son avenir »

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Interview avec Jean-Philippe Durrieu, Consul Honoraire de la République de Moldavie en Midi-Pyrénées, qui lors de la période 16-20 septembre 2014 a effectué une visite en Moldavie, en tant que membre d’une délégation du groupe d’amitié France-Moldavie du Sénat français.

Jean-Philippe Durrieu

- Monsieur Durrieu, depuis quand êtes-vous consul honoraire de la Moldavie ?

Depuis 2008. J’ai accepté ces fonctions parce qu’on m’a transmis l’intérêt de la Moldavie. C’est-à-dire, je ne connaissais pas la Moldavie au départ, je connaissais mal la Moldavie. J’ai connu les Moldaves à travers des expériences – beaucoup de Moldaves passaient chez moi, on discutait naturellement. Des Moldaves sur Toulouse et sur la région me demandaient de les aider. Au début c’était un intérêt très administratif – monter des dossiers ou, des fois, des demandes d’aide plus simples – « J’ai perdu mes papiers. Je ne sais pas comment me faire faire ma carte d’identité. » Je servais d’interface civile dans des situations particulières pour aider des Moldaves qui étaient un peu perdus dans l’administration et dans la vie française. J’étais un passeur.

C’est après plusieurs années que l’on m’a proposé de servir de passeur un peu plus officiel. Ce n’est pas une fonction difficile, parce que les Moldaves ne sont pas difficiles, l’administration française est plus difficile : il y a certaines différences de fonctionnement entre la Moldavie et la France. Il y a des différences de culture, il y a parfois une incompréhension entre les deux. Il y a une logique moldave, une logique française et une logique européenne. Il y a des vitesses différentes, des logiques différentes et parfois c’est très compliqué, surtout dans les périodes de crise.

- Quels sont les domaines prioritaires de vos activités en tant que consul honoraire ?

Dans l’activité économique, il y a deux choses : il y a les entreprises françaises qui veulent aller en Moldavie, mais qui sont confrontées à des difficultés institutionnelles ; il ne s’agit pas d’instabilité, mais des incertitudes institutionnelles. Et puis il y a des entreprises créées par des Moldaves en France, des entreprises de qualité, puisque la formation des Moldaves est de qualité (au niveau des ingénieurs, des médecins, par exemple).

Il faut dire dans ce contexte que souvent les gens de qualité de Moldavie, à partir du moment où ils ont commencé à travailler pour une entreprise française et ils sont bilingues (maîtrise du français et autres), ont souvent tendance à vouloir partir et à vouloir entrer en Europe et une fois qu’ils sont dans un pays européen, ils sont souvent perdus pour la Moldavie. Je le vois moi, en tant que consul - les Moldaves qui sont en Europe, y compris en France, même de manière sentimentale, ils ont du mal à garder la double nationalité. Je crois qu’ils ont des papiers français et ils laissent périmer leurs papiers moldaves et ne les renouvellent pas. C’est un signe du désir de faire sa vie ailleurs.

Je crois qu’il est important que la Moldavie ait un message clair sur son avenir pour rassurer les investisseurs qui voudraient investir dans quelque chose de stable et pour que les Moldaves n’aient pas autant de raisons de partir.

-Y a-t-il une communauté importante de Moldaves à Toulouse ?

Il y a une communauté officielle moldave qui n’est pas très importante. Sur Toulouse, il doit y avoir une cinquantaine de personnes. Mais y a une grosse communauté officieuse. Les Moldaves sont des gens méfiants de nature et ils ne se dévoilent pas. Globalement, ils se dévoilent quand ils ont des problèmes. Quand ils n’ont pas de problèmes, ils se méfient même d’un consul honoraire français et ils ont peur de se faire remarquer administrativement. Donc, il existe encore de vieux réflexes que je comprends d’ailleurs, de vieux reflexes de méfiance énormes. Et c’est pareil avec la diaspora – la diaspora ne se révèle pas, raison pour laquelle il est difficile de monter un projet. Par contre, j’ai des relations individuelles, amicales, mais il est très difficile d’avoir une relation institutionnelle avec des Moldaves en France. En dehors de ce que fait très bien Jean-Jacques Combarel, il y a très peu d’activités de la diaspora. Mais il est parti d’une relation économique, se basant sur un groupe d’amitié.

Jean-Phlippe DURRIEU (deuxième de droite à gauche, au second rang) au sein de la délégation sénatoriale

- Avez-vous des relations avec le Bureau pour la diaspora créé par le Gouvernement moldave ?

Je n’ai pas de relations avec, j’ai des relations tendues avec l’ambassade. Je suis un transmetteur de papiers, je suis un facilitateur de démarches, je suis une aide à la montée des dossiers et je n’ai pas de délégation à réellement faire les papiers administratifs.

Nous avons une réunion des consuls, je crois – en octobre prochain, qui rassemble tous les consuls honoraires, et on va aborder ce sujet. Nous ne sommes pas structurés et nous avons aussi un énorme problème de moyens. C’est-à-dire que pour les consuls honoraires, il n’y aucun budget, aucune aide institutionnelle et, à propos, c’est un facteur limitant.

- A part les activités consulaires, que faites-vous dans la vie ?

Moi, je suis chirurgien. J’exerce dans une clinique privée à Toulouse. Et je consacre aux fonctions de consul mon temps libre, mais j’ai un retour humain important. C’est-à-dire, c’est humainement très enrichissant, car c’est très intéressant d’aider des personnes comme j’aimerais qu’on aide mes enfants s’ils étaient dans la même situation.

J’ai beaucoup de chances d’être né en France, dans de bonnes conditions. Les Moldaves ont autant de qualités que nous, que moi. Et il est simplement dommage que des retours d’histoire ou des difficultés puissent arrêter des gens de très haute qualité comme les Moldaves. Donc, je m’ambitionne à aider des gens qui sont en tous points remarquables pour qu’ils puissent avoir les mêmes chances que nous et avoir une vie à l’identique.

- Quels sont vos projets d’avenir ?

J’ai des projets, mais nous attendons des échéances importantes qui arrivent. Ce sont des messages forts. Un consul ne fait pas de politique, il repère les décisions du pays et essaye d’établir des liens de confiance entre les pays. Il est vrai que la politique donne des gages de stabilité qui rendent parfois le rôle d’un consul plus ou moins difficile. Mais un consul ne doit pas avoir d’avis sur la politique d’un pays. Il aide le pays, parce qu’il a des relations affectives avec ce pays. Il aide les gens parce qu’il a des relations affectives avec la population.

- Merci, Monsieur Durrieu. Bon succès pour toutes vos activités.

Propos recueillis par Nadejda Demian.

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