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La langue française en Moldavie

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Article de Gilles Ribardière

On ne sait pas assez que la langue française est la langue étrangère la plus enseignée en Moldavie, ce qui en fait le pays d’Europe centrale et orientale le plus francophone.

Hélas, il ne semble pas que cela émeuve particulièrement nos autorités, les crédits, par exemple, en faveur de l’Alliance Française diminuant de manière considérable.

Il n’est par ailleurs pas certain que les efforts des enseignants soient particulièrement soutenus, si j’en juge par la modestie des supports pédagogiques mis à la disposition des établissements scolaires. Et pourtant avec quelle passion ces enseignants s’attachent à donner la meilleure formation à leurs élèves qui eux-mêmes apprennent avec enthousiasme ce qu’on leur dit être la langue de la culture, de l’amour …

Accueil par Madalina Dohocher

Dans le village de Casunca, à quelques kilomètres de Floresti, j’ai pu être témoin le 19 mai dernier de la manifestation de l’engagement de toute une communauté scolaire en faveur de la promotion de la langue française. Raconter la journée sera plus explicite que toute démonstration savante pour illustrer la vitalité de l’enseignement du français en Moldavie.

Ce fut tout d’abord devant le portail de l’école l’accueil par la directrice, Rozalina Dohocher et son adjointe, Olga Burlacu. C’est elle, en fait, qui outre ses fonctions administratives, assure l’enseignement du français. Elle aura été l’animatrice de mon accueil, sachant que c’était la première fois que l’école recevait un « étranger ».

La directrice-adjointe, Olga Burlacu, professeur de français

Ensuite, moment particulièrement émouvant, une fois le seuil franchi, trois élèves m’attendaient en costume national, l’une me présentant un pain et du sel, l’autre un petit verre de vin. La troisième, Madalina, élève de la première classe, qui n’apprend pas encore notre langue, avait assimilé parfaitement une formule accompagnant le don d’un joli bouquet : « Bonjour Monsieur Gilles ; prenez ces fleurs en marque de respect ». Je peux l’affirmer, ce sont là des moments inoubliables.

Cet épisode fut suivi de la présentation de l’ensemble de la communauté scolaire, puis d’une visite de toutes les classes, les élèves exprimant en français un compliment bien senti.

Je n’étais pas au bout de mes surprises …

La salle des fêtes avait été aménagée pour me donner à voir les trésors des traditions moldaves, aussi bien en matière de nourriture, de costumes, de métiers ; cette visite précédait en fait une présentation sur scène des activités liées à l’apprentissage du français : mise en espace de nos plus fameux contes, chanson de Mireille Mathieu, le tout complété par des chants et danses moldaves traditionnelles.

Le lendemain, ce fut la rencontre avec l’ensemble des enseignants de français du district de Floresti, ce qui me donna l’occasion de faire une petite conférence sur Paris, illustrée par des photos, et d’entendre une défense et illustration de la langue française par les meilleurs élèves du district.

Des enseignants de Casunca

De leur propos, que ces jeunes – toutes de sexe féminin - avaient préparé avec soin, j’ai retenu quelques formules : « Le français, c’est la langue de la diplomatie » ; « On peut lire les livres en langue originale : Victor Hugo, Molière, Alexandre Dumas » ; « C’est une langue harmonieuse, élégante » ; « Elle est mélodieuse, romantique, douce à l’oreille » ; « Elle permet les nuances fines de l’esprit et du cœur » et « Quand on fait une déclaration d’amour, il faut la faire en français ».

Ces jeunes filles - Mihaela, Valerie, Cristina et Ana - ont souvent souligné que la maîtrise du français leur permettait de dialoguer par l’intermédiaire des réseaux sociaux et ajouté qu’elles souhaitaient poursuivre des études en France. Mais c’est à cette occasion que j’ai cru constater que les autorités françaises compétentes n’étaient sans doute pas au diapason de l’enthousiasme de ces jeunes Moldaves pour notre culture et notre langue. On peut en effet percevoir à travers les propos des lycéennes rencontrées à Floresti le résultat d’une pédagogie fondée sur un matériel peu renouvelé depuis l’époque soviétique. L’efficacité est évidente si j’en juge par la qualité du français exprimé par ces jeunes filles, mais les références datent quelque peu : je me souviens avoir entendu en URSS dans les années 70 des propos semblables à ceux d’une des élèves du district de Floresti : «  Le français est la langue d’un grand peuple, riche de traditions révolutionnaires, langue des héros de la Résistance dans la lutte commune contre le Nazisme ».

Si je n’ai pas été surpris d’entendre les noms de Hugo, Molière, Dumas prononcés à plusieurs reprises, comme je les entendais abondamment aussi en URSS, j’ai trouvé assez étonnant que soit cité en tant qu’écrivain contemporain le nom de Jean Laffitte, aujourd’hui oublié en France. Celui-ci, décédé en 2004, fut notamment membre du Parti Communiste. Ses romans s’inscrivent dans la tradition du « réalisme socialiste » tel que défini par Jdanov !

Certes je me garderais bien de considérer que ces références littéraires soient largement diffusées encore, mais je pense qu’il y a urgence de fournir aux très nombreux professeurs de français en Moldavie des matériaux pédagogiques qui dévoilent des aspects plus contemporains de la France, sinon la voie risque d’être largement ouverte au développement de l’apprentissage de l’anglais supposé ouvrir des horizons plus modernes …

Il faut que les autorités françaises, mais aussi des initiatives privées, apportent un soutien à tous ces admirables enseignants auxquels manifestement ne sont pas mis à disposition des instruments pédagogiques qui actualisent l’appréhension de la culture française. C’est la conclusion que je tire de cette plongée dans le cœur de la Moldavie où la passion de la France, et de sa langue, est si vive et si émouvante dans son expression.

La directrice, Rozalina Dohocher, et ses deux filles, Mihaela et Madalina
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