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Le plus ancien dossier de répression politique des archives des services secrets moldaves date de l’an 1920

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Il est difficile d’expliquer comment ce dossier est-il entré dans les archives du Service d’Information et de Sécurité de la Moldavie. Il est possible qu’après l’arrivée le 28 juin 1940 de NKVD (commissariat populaire aux affaires intérieures) en Bessarabie, les disciples de Feliks Dzerjinski y aient amené les « résultats de leur travail ». D’autre part, bien que dans le dossier en question la décision de condamnation avait été émise en 1921, le dossier a été enregistré par le KGB de la République Soviétique Socialiste Moldave en 1962.

Le dossier numéro 09443/1920 concerne trois personnes du village de Roghi, commune de Lunga, district de Tiraspol, situé sur la rive gauche du Nistru, et a été ouvert le 28 juillet 1920 par la sous-section secrète Tiraspol du Comité Extraordinaire (CE) de la région de Odessa suite à une information parvenue de la part d’un agent secret (qui n’a été identifié, ni interrogé) de la section Dubăsari du CE après sa visite sur la rive droite du Nistru, soit en Bessarabie.

Selon cette information, Palega Efimia Semionovna, âgée de 16 ans, Pugaci Marfa Semionovna, âgée de 35 ans, et Todirco Gheorghe Semionovici, âgé de 32 ans, tous citoyens de la République Soviétique Socialiste Russe, transportaient illégalement des gens sur l’autre rive du Nistru, c’est-à-dire, en Roumanie (note du traducteur – lors de la période 1918-1940, le territoire entre les fleuves Nistru et Prut a fait partie de la Roumanie). Ces personnes furent arrêtées et enfermées dans l’ainsi-dite « Maison de détention » de Tiraspol. La perquisition effectuée dans leurs maisons n’a pas donné des résultats.

Selon un document émis le 14 janvier 1921 par un certain Sachin, représentant de la section de Tiraspol des services secrets du CE, après avoir relu l’information susdite, deux collaborateurs de ladite section - Osmanov etTchertkov – se sont déplacés dans le village de Roghi pour mener des investigations. Une fois arrivés dans le village, les deux collaborateurs Osmanov et Tchertkov se sont cachés dans une meule de foin de la cour de Marfa Pugaci, tandis que l’agent secret est entré dans la maison, se présentant comme un „prisonnier autrichien” envoyé par les frères de la jeune femme, soldats dans l’Armée Rouge, pour qu’elle le fasse traverser le Nistru. Vu que Marfa Pugaci ne parlait pas le russe, ni le „prisonnier” – le roumain, pour parler avec l’« Autrichien », la femme a recouru à l’aide de son villageois Gheorghe Todirco qui avait lutté sur le front autrichien. Peu après, est venue Efimia Palega, la sœur de Marfa, qui a discuté avec le „prisonnier” en russe. Les trois sont tombés d’accord de transporter le « prisonnier » au-delà du Nistru pour une somme de 500 de lei, mais l’opération devait être accomplie par leur villageois Afanasie Stogul.

Le „prisonnier” a aussi rapporté que, quand il avait tiré de sa poche un paquet avec 2.000 lei, les villageois, persuadés qu’il ne comprenait pas le moldave, ont chuchoté et ont dit à Afanasie Stogul de le déposséder de cette somme pendant qu’il allait traverser la rivière. En plus, les citoyens Palega, Pugaci et Todirco se seraient intéressés à la politique menée par la Russie Soviétique.

A leur tour, les accusés Palega, Pugaci et Todirco avaient rejeté les accusations, tout en disant qu’à la demande du „prisonnier” de l’aider à traverser le Nistru, ils l’ont conseillé de recourir à l’aide des soldats qui gardaient la frontière. Le « prisonnier » aurait dit qu’il avait déjà contacté les militaires et que ceux-là, au lieu de l’aider, l’avait déshabillé. En ce qui concerne l’argent, Todirco a confirmé que l’étranger avait vraiment tiré de l’argent de sa poche, mais qu’il n’avait pas compris quel argent c’était.

Afin de fonder ses accusations, le CE a même pu identifier un « témoin », un habitant du même village de Roghi, qui a consenti de déclarer que tout le village était au courant du fait que Afanasie Stogul transportait des gens sur l’autre rive du Nsitru, tandis que Palega, Pugaci et Todirco l’aidaient.

Le délit étant, selon l’enquêteur, prouvé (sur la base de l’information d’une seule personne et la dénonciation d’un seul témoin), il a proposé que les citoyens Palega, Pugaci et Todirco soient déportés dans un camp de concentration pour un terme de trois ans.

Ultérieurement, le 20 février du même an, un autre enquêteur de la section Tiraspol du Comité Extraordinaire émet une autre décision qui répète au fond la décision antérieure. Mais le constat contient certains éléments nouveaux de principe : à l’infraction initiale de « transport illégal de personnes au-delà du Nistru » imputée à Efimia Palega, à Marfa Pugaci et à Gheorghe Todirco, on a ajouté le délit d’« espionnage » en faveur de la Roumanie. Vu que les accusations ont été « confirmées », l’enquêteur a proposé que les trois accusés soient déportés dans des camps de concentration : Gheorghe Todirco - pour un délai de trois ans, Efimia Palega - pour un an, et Marfa Pugaci – pour deux ans.

La décision finale a été prononcée le 26 septembre 1921 et notée dans le procès-verbal de la Section Secrète Tiraspol de la Sous-Section Odessa du Comité Extraordinaire pour la lutte contre la contre-révolution, les spéculations et les abus de fonction. Conformément à cette décision, Gheorghe Todirco fut condamné à un an de déportation dans un camp. Les „juges” ont déclaré Efimia Palega et Marfa Pugaci comme„inconscientes” et les a exemptes de châtiment. Lorsque la „sentence” fut prononcée, Afanasie Stogul était déjà arrêté par le CE.

Gheorghe Todirco a été réhabilité par le Parquet de la Moldavie le 1 mars 1996.

P.S. Les archives du Service d’Informations et de Sécurité conservent deux autres dossiers datés de l’an 1921, y compris plusieurs dossier intentés aux années 1924, 1926, 1927, 1928, 1929, 1930, aux côtés de milliers de dossiers de la Grande Terreur des années 1937-1938. Le nombre total de dossiers de personnes soumises aux répressions politiques se chiffre à 25.000.

P.P.S. Les archives des services secrets moldaves comprennent des milliers de dossiers de personnes qui n’ont pas encore été réhabilitées.

Article par Mihai Taşcă, docteur en droit, membre de la Commission présidentielle pour l’étude et l’appréciation du régime communiste totalitaire de Moldavie.

Publié sur http://www.timpul.md/articol/cel-mai-vechi-dosar-este-din-1920-11376.html

Traduit pour www.moldavie.fr

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